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    Mais qui pourrait tirer sur une enfant de 4 ans ?

     

    - SEMAINE SAINTE EN SYRIE

     

    Quelle épreuve a bien pu amener cette petite Syrienne à avoir le réflexe de lever les mains ainsi ?

     

     

    C'est une image qui fend le guerre, qui résume à elle seule le malheur d'une génération entière d'enfants qui garderont durant les séquelles visibles et invisibles de la guerre. La photojournaliste Nadia Abu Shaban a posté sur les réseaux sociaux l'image d'une petite fille syrienne de quatre ans les mains en l'air, dans la posture de se rendre, avec sur le visage une expression où se mêlent peur, fragilité, résignation et apathie.

    La peur du photographe

    Cette photo a fait le tour du monde, et a été partagée par plus de deux millions d'internautes. Mais ce n'est pas devant un vrai fusil que l'enfant s'est rendue : ce qu'elle a pris pour une arme n'était que l'appareil du photographe. Et peut-être est-ce là une scène encore plus alarmante que celle d'enfants sauvagement exécutés. Des millions d'enfants naissent, grandissent et survivent dans un état de peur, hantés par le fantôme de la violence au point de réagir avec une résignation instinctive devant tout ce qui leur paraît être une menace. La curiosité caractéristique de l'enfant, qui le conduirait dans un environnement normal à vouloir connaître et toucher un nouvel objet, se transforme en une quasi-certitude inconsciente qu'il ne s'agit là que d'un des innombrables outils de mort..

     

    La guerre en Syrie, qui dure déjà depuis quatre ans, a tué 215 000 personnes. Plus de 4 millions de personnes ont été contraintes de fuir à l'étranger et 7 millions de citoyens syriens sont devenus des réfugiés dans leur propre pays sans aucune perspective de paix. Le terrorisme fanatique du prétendu État islamique a transformé le scénario déjà cruel de la guerre civile en une persécution religieuse sanglante d'extermination des minorités, notamment les chrétiens, les yézidis, et même les musulmans d'autres sensibilités.

     

    Adapté par Élisabeth de Lavigne (Aleteia)

     

     

     

     

     


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  • Vers Pâques : qu’attendrons-nous ?

     

    - VERS PÂQUES

    Nous cheminons vers Pâques ; mais cela nous mettra face à une scène bien étrange. Nous pourrions nous attendre à ce que la Résurrection de Jésus soit manifestée avec la plus grande gloire ! Que sa victoire soit éclatante aux yeux du monde … dans l’évangile de Jean, il n’en sera rien, et pour cause. L’évangile de Jean est, au fond, un évangile assez sobre, contrairement à l’image que nous en avons souvent. Chez Matthieu, par exemple, la mort de Jésus s’accompagne d’un tremblement de terre ; tout comme la résurrection s’accompagne de signes apocalyptiques, de l’apparition d’un ange, d’une grande lumière. La mort et la Résurrection font beaucoup de « bruit » chez saint Matthieu.

     

    Au dimanche de Pâques, dans l’évangile de Jean, rien. Faisons bien attention au Vendredi Saint, où nous lirons aussi la Passion selon saint Jean : un simple « j’ai soif », « tout est achevé », « il rendit l’esprit ». Tout est dit, tout est montré, tout est signifié. Jésus a donné sa vie pour nous. Et pour cause, nous le savons, l’amour vrai, l’amour sincère est celui qui se donne discrètement, sans bruit et sans éclat. Souvenons-nous, là aussi, du premier évangile que nous avons entendu pour ouvrir notre Carême : « quand tu fais l’aumône, que ta main droite ignore ce que donne ta main gauche » (Mt 6, 3). Jésus, lui qui nous fait la véritable aumône, celle de la vie éternelle, le fera dans l’ignorance mondaine la plus totale : seul son Père voit ce qu’il a fait dans le secret de la Croix. Pour sa résurrection, idem : sans bruit, sans éclat, dans l’évangile de Jean : nous n’aurons aucun détail en ce jour. Une simple pierre roulée, et un linceul posé là ; Jean « vit et il crut ». Dieu « repart », si vous me permettez cette expression, comme il est venu : Noël et Pâques, au fond, sont faits du même bois, celui de la Croix. Dieu, en son humilité, a la victoire modeste.

     

    Mais au fond, n’y aura-t-il vraiment rien dans cet évangile de Pâques ?

     

    Nous sommes au premier jour de la semaine. Pour Jean, le premier jour est toujours celui d’une création nouvelle. À la manière du livre de la Genèse, au premier jour, Dieu séparera le jour de la nuit (« que la lumière soit », nous dit la Genèse) ; de même, Jean ajoutera ce petit détail à son évangile : « il fait encore sombre ». Dans son prologue, il nous disait déjà que « la lumière a brillé et les ténèbres ne l’ont pas arrêté ». À Pâques, ce sera fait : certes, il fera encore sombre, sans doute encore comme dans chacune de nos vies, de nos histoires, mais grâce à cette toute petite indication, nous comprendrons cette aurore, cette aurore nouvelle, se lève bien.

     

    Jésus, dans sa passion, a accepté la nuit : nuit de la souffrance, nuit de la peur, nuit de l’angoisse, nuit de la solitude aussi. Toute la Passion se passe de nuit, dans l’évangile de Jean, tout comme la trahison : « il sortit, il faisait nuit » (Jn 13, 30). Dans sa résurrection, au premier jour, comme au premier jour de la Genèse, Dieu fait apparaître la lumière, au milieu des ténèbres.

     

    Marie-Madeleine vient au tombeau et elle voit : la pierre a été enlevée. Marie-Madeleine s’arrête d’abord aux apparences : dans un premier temps, elle n’ira pas plus loin, comme nous bien souvent, et réagira avec une logique toute humaine : « on a enlevé le Seigneur de son tombeau » (Jn 20, 2). Parole à la fois prophétique (effectivement le Seigneur a bien été enlevé de son tombeau), et parole inachevée qui n’est pas encore entrée dans l’espérance de la foi. Pierre fera la même chose. Il voit, mais ne croit pas ; pas encore. Il verra pourtant le linceul resté là, sans vie et sans corps. Jean voit et il croit. Sans bruit, sans gloire ; la foi, si elle est une victoire, n’est jamais triomphante.

     

    « Les disciples n’avaient pas encore vu que, d’après l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts » (Jn 20, 9)

     

    La liturgie pascale se finira sur une note quelque peu négative : « les disciples n’avaient pas encore vu que, d’après l’Ecriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts » (Jn 20, 9).

     

    In fine, le jour de Pâques, rien ne sera dit ; rien n’est fait ! Les disciples ne croient pas encore ; Marie-Madeleine n’a pas encore rencontré Jésus Ressuscité ; il n’y aura que la pierre roulée, et cette petite indication johannique : « il faisait encore sombre ». Bref, circulez, il n’y a rien à voir … Vraiment ?

     

    Que serons-nous appelés à vivre, à présent ? Le carême et la semaine sainte sont là pour nous faire entrer dans le combat de Dieu : c’était le sien ; et durant tout carême, la liturgie des Laudes nous le rappelait chaque matin : « les yeux fixés sur Jésus, entrons dans le combat de Dieu ». Nous avons essayé d’accompagner Jésus : avant d’être un temps où l’on a fait des efforts, des étapes de conversion, c’était bel et bien son combat, et sa passion ; et ce sera sa victoire ! Mais notre « carême » commencera en fait ce jour de Pâques : non pas qu’il faille ressortir les pénitences, la confesse, les privations … mais le temps pascal sera notre « combat », notre marche plutôt, celle de la foi ! Tout commence pour nous aujourd’hui.

     

    « Il faisait encore sombre ». Nous serons comme les disciples, au matin de Pâques : nous n’aurons pas « encore vu que, d’après l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts » (Jn 20, 9). Nos vies ne seront pas encore pleinement ajustées à ce que Dieu veut nous donner ; et si nous nous ressemblons, nos efforts de carême ont dû vous en donner une preuve supplémentaire par leur imperfection : qu’importe ! Même après un temps de carême, nous ne sommes pas encore pleinement convertis … nous ne sommes encore que des pauvres types. Et alors ? Oui, il fait encore un peu sombre dans nos vies ; oui, l’aurore de la résurrection ne s’est pas encore pleinement levée, révélée, sur nos existences … mais la lumière commence à briller ! De la même manière qu’il fait encore sombre dans l’évangile, dans nos vies aussi ! Mais cela n’empêche pas Jésus d’être victorieux et de nous ouvrir à la vie.

     

    Il va bien nous falloir tout le temps pascal, toute la pédagogie de Dieu, marcher d’apparition en apparition dans les évangiles, pour que nos yeux s’ouvrent. Laissons-nous, cette année encore, surprendre par la Résurrection. Elle n’est pas naturelle, elle n’est pas « normale » (de cette normalité trop humaine avec laquelle nous regardons trop souvent toute chose). Nous n’avons pas encore totalement compris la Résurrection ; nous n’avons pas encore totalement vu en quoi « d’après l’Ecriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts ».

     

    C’est bien pour cela que nous lirons cet évangile de Jean en ce dimanche matin de Pâques. Rien ne fait plus sursauter le jour de Pâques que d’entendre un certain nombre de chrétiens dire : « ça y est, c’est fini ! » Mais mon petit bonhomme, tout commence pour toi, nous dit Jésus ! Regardons les disciples : ils seront encore enfermés au cénacle, trouillards, avant de partir en mission !

     

    Marcher dans la joie et dans la foi

     

    Avec le Christ ressuscité, nous serons tous appelés à « un nouvel art de vivre », comme aimait à le dire le cardinal Lustiger. Ce « n’ayez pas peur », qui résonnera à nos oreilles lors de la Vigile pascale, ne signifie pas seulement : « cessez d’être effrayés » ; cela signifie aussi « ne soyez plus soumis aux peurs qu’éprouvent tous ceux qui ne connaissent pas Dieu ». À tous ceux qui veulent vivre de leur baptême, en enfant de Dieu, la peur sera maintenant étrangère, car le Christ nous a acquis la paix ; et personne ne pourra nous la ravir.

     

    Alors que la victoire est certaine, que la Résurrection sera là, ce « combat » de la foi ne sera pas terminé. Le Christ nous a ouvrira un passage ; il nous reste à présent à faire notre propre Pâques : la nôtre ! Il nous faut choisir résolument la Résurrection ; il nous faudra décider d’entrer, à nouveau, dans la Vie, dans la joie, dans la paix. Nous débuterons ainsi un nouveau carême, un nouveau chemin : nous marcherons vers la Pentecôte. Tout le temps pascal va désormais être tourné vers cette fête : 50 jours de marche ; mais non plus une marche dans le désert, mais une marche dans la joie de la Résurrection, dans la foi de la Résurrection, pour entrer dans cette confiance : « d’après l’Ecriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts ». Le temps pascal sera donc le temps de notre propre combat : il va nous falloir choisir la Résurrection avec Jésus ! C’est aussi cela le baptême : repartir de l’Écriture, de la parole de Dieu, pour entrer dans cette foi de la Résurrection. Alors seulement nous pourrons être à l’image de Jean : « il vit et il crut ».

     

    C’est maintenant qu’il nous faut mettre en pratique tous ces efforts auxquels nous nous sommes essayés en carême. Ne nous arrêtons pas en si bon chemin ! Honnêtement, cela serait très facile si la résurrection n’était qu’un rêve qu’on fait quand tout va mal et qui se réaliserait enfin. Mais les chrétiens ne sont pas des hommes du rêve, mais des hommes de l’incarnation, du vrai, du réel. Jésus, après sa résurrection, appelle ses disciples à retourner en Galilée, c’est-à-dire dans leurs lieux quotidiens. Les disciples, nous-mêmes !, vont donc continuer ; ils vont tout recommencer ! Recommencer à prêcher, recommencer à guérir les malades, recommencer à marcher sur les chemins des hommes, recommencer à évangéliser. Mais plus rien ne sera comme avant : ce sera sans Jésus physiquement ; mais avec Jésus ressuscité ! Désormais, ce sont eux qui sont appelés à vivre de la grâce de la résurrection, ils sont appelés à manifester aux yeux du monde ce qu’est un fils de Dieu, un baptisé.

     

    Père Cédric Burgun

     

     


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  • CCFD-Terre Solidaire

     

    Mgr Blaquart, accompagnateur du CCFD-Terre solidaire en visite au Nicaragua

     

    - MGR BLAQUART AU NICARAGUA (avec CCFD)

    L'Evêque d'Orléans au centre

    Il y a un an Mgr Blaquart était élu par les évêques de France président du Conseil national de la solidarité, et à ce titre évêque accompagnateur du CCFD-Terre Solidaire. Il vient de partir sur le terrain, au Nicaragua, à la rencontre des partenaires du CCFD-Terre Solidaire, afin de mieux connaître les réalités du partenariat et les projets soutenus. Jean-Claude Sauzet, notre aumônier national, a tenu un journal de bord de ces rencontres.

     

    - MGR BLAQUART AU NICARAGUA (avec CCFD)

    (Mgr Blaquart, évêque accompagnateur, Jean-Claude Sauzet, aumônier national, et Emmanuel Cochon, chargé de mission au CCFD-Terre Solidaire rencontrent le cardinal Brenes, archevêque de Managua)

     

    Premier jour : "La loi du silence est rompue"

     

    Nous quittons Managua pour aller avec des jeunes de l’association Puntos dé Encuentro dans un quartier de la périphérie de la capitale du Nicaragua (2,5 millions d’habitants) !

    Après avoir traversé des habitations très rudimentaires car construites rapidement après le tremblement de terre de 1972, nous entrons dans un complexe scolaire de 1000 élèves sous la responsabilité du mouvement jésuite Fe y Alegria de niveau primaire et secondaire.

    Là, les élèves de secondaire nous attendent, et, animée par une radio locale, commence sous forme ludique une réflexion sur les abus sexuels que subissent des jeunes de la part d’adultes.

    Dans un deuxième temps, des classes de 4° et 3° se retrouvent dans une grande salle pour, après de nouveau un temps ludique, visionner une vidéo qui relate l’histoire d’une jeune femme qui a fui sa famille quand elle était jeune parce que violée par son père.

    Cette vidéo permet un échange entre groupes de filles d’un côté et de garçons de l’autre, sur cette réalité qui affecte un certain nombre d’entre eux. Le temps de restitution est animé par l’actrice de cette vidéo, un jeune chanteur connu par les jeunes et des éducatrices et éducateurs afin d’apprendre à briser le silence qui enferme les jeunes dans cette souffrance.

    Durant ce temps, des jeunes témoignent simplement, mais avec beaucoup d’émotion, de cas qu’ils connaissent parmi leurs proches.

     

    La loi du silence est rompue, la parole dénonce le mal causé par des adultes chez des jeunes, des jeunes prennent l’engagement de changer, une libération est en marche, la personne en tant que telle retrouve sa dignité.

     

    Deuxième jour : produire et commercialiser une alimentation qui les font vivre dignement.

     

    Le matin petit parcours à Managua pour être reçus dans les bureaux de la FENACOOP fédération nationale de coopératives (partenaire du CCFD Terre Solidaire) où nous attendent les responsables.

    Durant son brillant exposé, Sympho, paysan et président nous présente les points de travail de son association qui permet la formation, la réflexion et les actions de petits paysans de différentes coopératives du pays qui veulent produire autrement et avec un grand respect de la terre.

    Après trois heures de route pour attendre Estelì au nord du pays, nous allons dans la montagne voir un lieu de production et de commercialisation d’engrais organique. Une piste de terre dans un paysage de montagne magnifique malgré la sécheresse qui frappe depuis plusieurs années nous conduit au sommet d’une colline qui a été un lieu de combat durant la guerre. Là, quelques maisons habitées par des familles qui produisent de l’engrais organique de manière artisanale.

    Un premier monticule recouvert d’un plastique noir d’où se dégage une chaleur assez forte avec une odeur de bon terreau, d’une couleur noire : mélange de poussière de rochers venant d’un endroit de la montagne alentour ( dont le lieu est connu par tradition et qui est tenu secret), différents déchets organiques de haricots noirs, coques de la graine du café, terre travaillée par des vers... plus une composition secrète qui malgré nos questions n’a pas été dévoilé.

    Le deuxième monticule est le résultat du travail fait par la nature après 50 jours et beaucoup d’attention et de travail de la part des producteurs pour que la fermentation réalise cet engrais organique.

    C’est là que l’esprit européen, donc dit-on "rationnel" de certains de nous, pose la question de la vérification scientifique d’un tel produit. La réponse ne sera pas faite de formule chimique, mais de la visite d’une plantation de café avec des pieds atteints de la rouille et d’autres enrichis avec cet engrais. Sur les premiers quelques feuilles et pas de fruit et sur les autres des feuilles d’un vert impressionnant et du café en fruits de plusieurs couleurs selon leur degré de maturité.

    Plus aucune utilisation d’engrais chimiques, une terre même parfois presque stérile qui retrouve par cet engrais organique sa fertilité et des produits agricoles qui ne sont plus chargés de substances dangereuses, des paysans qui trouvent des revenus dans la production d’un engrais qui respecte la terre pour que la plante soit plus saine.

    Il est vrai que ce sont deux petits monticules, mais ils rendent ces familles heureuses de respecter la terre et de pouvoir produire et commercialiser une alimentation qui les font vivre dignement.

    Avec nos dons au CCFD Terre Solidaire nous permettons que ces deux petits monticules participent à un projet agricole où le paysan est heureux de travailler et que de deux ils passent à plus.

     

    Troisième jour : L’importance du respect de la terre partout dans le monde

    Depuis deux ans, la pluie qui suivait la période où il est de coutume de semer, ne tombe plus pour permettre à la semence de germer en terre. Ce changement climatique qui se renforce encore cette année est une catastrophe pour les paysans de cette vallée à qui nous rendons visite ce matin.

    Que faire dans ce contexte si difficile ? Le début de solution est trouvé dans un renforcement de la coopérative au nom de "10 mai" dans le village de Palacacuina,qui rejoint 639 paysans (282 femmes et 357 hommes). Des actions sont renforcées : vente direct des produits au marché local, recherche de semences locales qui s’adaptent mieux au changement climatique, diversification de la production en sortant des produits traditionnels.

    Un projet soutenu financièrement par le CCFD Terre Solidaire a permis de tester la possibilité de produire des oignons, des carottes, des salades, des tomates, de la coriandre, des radis et ainsi de permettre à ces petits paysans de s’orienter vers de nouvelles cultures qui leur permettent de continuer à vivre sur leur propre terre en s’unissant.

    Un autre groupe de paysans s’est essayé dans la vigne qui, dans cette moyenne montagne, donne pour le moment de bon résultat en utilisant la méthode d’arrosage du goutte à goutte. (D’ailleurs nous avons testé le vin !!!!). Au sein de ce même groupe, des papayers ont été plantés, des tomates, des avocats, tout en continuant l’amélioration de la semence du produit basique qu’est le haricot rouge.

    Durant l’échange, ils nous ont redit l’importance du respect de la terre, que dans le contexte actuel ce doit être une attention de chacun dans tous les endroits du monde, comment ils répondent à cette exigence, car pour eux c’est surtout une question de survie.

    Nous leur avons parlé du Coop 21, la prochaine conférence sur le climat à Paris et la mobilisation que cela demande pour essayer d’avoir des résultats positifs pour l’avenir de l’être humain sur notre planète.

     

    Mgr Blaquart et Jean-Claude Sauzet en visite au Nicaragua

     

    Quatrième jour : la migration, une expérience douloureuse pour les familles

    Sheila et Jose Antonio viennent nous rejoindre à notre hôtel. Deux jeunes du réseau nicaraguayen de la société civile pour les migrations. Les chiffres sont impressionnants : sur 4 millions d’habitants recensés au Nicaragua on dénombre 1,5 millions de migrants dont 70% se trouvent dans la pays voisin du Costa Rica, les autres aux États Unis et en Espagne dont beaucoup de femmes employées de maison.

    Au sein de ce réseau qui se réunit une fois par mois, les différentes associations travaillent sur des réalités qui se complètent.

    L’une est plus axée sur des mesures de prévention à la migration en œuvrant à la création d’auto-entreprise chez les jeunes ; une autre vers la création de jardins communautaires ; une autre vers le plaidoyer auprès des politiques du pays, pour le respect des droits des migrants ; d’autres encore vers l’accompagnement des familles restées qui n’ont aucune nouvelle de ceux qui sont partis ; d’information au passage de la frontière des droits des migrants au Costa Rica (projet financé par le CCFD) ; de campagne d’information sur la situation des migrants pour sensibiliser la population du Nicaragua.

    Sheila nous raconte l’histoire de sa famille : un jour, son frère est parti et sa maman est resté 7 ans sans aucune nouvelle de lui, ne sachant pas s’il était encore vivant. Quand Sheila, lors d’un voyage avec son association a pu le localiser, la réponse de son frère sur la cause de son silence a été :"j’avais peur de la police des migrants et je restais enfermé dans ma chambre et même quand je n’avais pas de travail, je ne voulais pas revenir au pays car j’avais honte de rentrer sur un échec".

    Dans un quartier populaire d’Estelì, nous sommes reçus par plusieurs familles restées qui ont des enfants émigrés. Dans chacune, la douleur de rester très longtemps sans nouvelles tout au moins durant le trajet jusqu’aux États Unis (entre 3 à 6 mois) s’exprime avec force.

    Et malgré les sommes dépensées (7000 dollars dont 3000 avant le départ et 4000 à rembourser sur les salaires à venir), les difficultés de vivre dans un pays étrangers, la peur d’être arrêtés par la police des migrants, les plus jeunes de ces quartiers ont pour beaucoup, le souhait de partir pour le rêve américain.

    Pour contrecarrer ce mouvement, des associations du réseau impliquent les autorités et les familles des migrants dans une réflexion sur les potentialités économiques des municipalités et la mobilisation de ressources locales.

    Nous avons rencontré des jeunes qui ont la conviction qu’ensemble par leurs actions de terrain au Nicaragua, par leurs plaidoyers auprès des décideurs politiques, par les informations qu’ils communiquent aux migrants, ils permettront à des jeunes qui le souhaitent de rester dans leur pays et d’y trouver de quoi y vivre dignement et à ceux qui veulent partir que leurs droits seront respectés dans leur pays de migration.

     

    Cinquième jour : Dans ces réalités, la vie continue d’être vécue le mieux possible

    Une école primaire dans un quartier populaire de Estelì nous accueille cette fin de matinée. Les deux jeunes femmes responsables de la pastorale de cette établissement Fe e Alegria et membres du réseau nicaraguayen de la société civile pour les migrations ( partenaire du CCFD Terre Solidaire) nous présentent la situation de beaucoup d’enfants qui sont d’une famille dont au moins un des deux parents est migrant. Il y a Magda en dernière année de primaire dont la maman travaille en Espagne dans une maison de personnes âgées, Roberto dont les parents sont partis tous les deux aux États Unis depuis sa naissance.

    Dans les classes où nous passons, sur 40 élèves plus d’un quart vivent dans une famille de migrants. Ils sont élevés par la grand mère ou un oncle qui devient leur tuteur. Heureusement les bienfaits de moyens de communications par internet permettent un contact régulier pour la grande majorité d’entre eux, mais bien entendu cela ne remplace pas la présence physique.

    Les institutrices et la sous directrice nous font part de l’utilité de l’enquête qui a été faite (financée par le CCFD Terre Solidaire) afin de savoir qui sont ces enfants. Une meilleure connaissance de leur situation d’enfants de famille migrante permet de leur donner une attention particulière et de faire en sorte que leur scolarité ne soit pas trop affectée par leurs manques affectifs d’absence de leurs parents.

    En passant entre les rangs de tables, les enfants m’accrochent en particulier, ils veulent chacun me raconter leur histoire personnelle et en sortant de la classe, c’est l’institutrice qui me parle de sa situation. Son mari est depuis 9 ans aux États Unis, mais me dit-elle : "on se parle tous les jours par internet, c’est mieux que rien...."

     

    Ce que j’admire c’est cette facilité toute latino américaine de parler simplement et sans honte de la situation qui engendre tant de difficultés. De savoir que c’est dans ces réalités que la vie doit continuer à être vécue le mieux possible.

     

    Article issu du site national. (du CCFD)

     

     


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    AIDE MÉDICALE À LA PROCRÉATION

     

     

    (L'aide médicale à la procréation pose de nombreuses questions à la société et l'Eglise. Une réflexion d'Anne Mortureux, psychologue à l'hôpital St-Vincent de Paul (Paris). )

     

    - PMA

     

    L’infertilité se vit comme une blessure, qui remet en cause l’identité et parfois l’existence de l’individu ; les souffrances psychiques sont, selon toutes les études, comparables à celles que vivent des personnes confrontées à des maladies graves voir létales. Aujourd’hui, l’âge de la mère au premier enfant va croissant, les transformations de nos modes de vie ont un impact sur notre fécondité, les taux de natalité baissent. De nombreux couples ont alors recours à l’AMP, qui s’est banalisée d’autant plus que l’accès à l’adoption est devenu au moins aussi difficile.

     

    Ces constats invitent à s’interroger sur le regard que la société porte sur la procréation et l’accueil des enfants, sur la difficulté objective qu’ont les jeunes parents à conjuguer début de carrière et arrivée des enfants et enfin sur la famille dont on ne sait plus si elle est considérée comme un pilier ou un poids pour la société.

     

    C’est dans ce cadre que j’exerce, et qu’au quotidien j’écoute des couples pris en charge dans un service d’AMP. Leurs questions sont variées, liées aux parcours médicaux, à leur souffrance, à l’injustice ressentie. J’entends la colère, la honte, la tristesse mais aussi le sentiment d’avoir été floué par une société qui affirme « un bébé quand je veux », sans tenir compte de l’âge, ni des traitements parfois incertains pour que l’enfant advienne.

     

    Il est souvent question du désir d’enfant : cela semble si simple. Mais nous savons combien est complexe ce désir, fruit d’une histoire personnelle elle-même infiltré par des enjeux transgénérationnels, et qui, de plus, ici s’articule avec le désir de l’autre – ou son absence de désir.  Ce désir est associé le plus souvent à un projet, élaboré à partir de valeurs et d’idéaux d’une famille ou d’un groupe social, qui peut devenir besoin quasi viscéral. S’exprime parfois même un désir de grossesse dont l’enfant semble absent. Me traverse alors l’esprit la question de la place de l’enfant rêvé, imaginaire ou bien réel, chez cette femme, cet homme, ce couple?

     

    Or, quand la demande du couple croise l’offre de la technique médicale, bien souvent leurs questionnements cèdent la place à l’action. Mais est-il bien raisonnable, quand il n’y pas urgence, de ne pas prendre le temps de travailler ces questions délicates ? Et  nous-mêmes, pris dans le souhait de mettre fin à la souffrance du couple infertile arrivons-nous à honorer ces interrogations ?

     

    La question difficile posée aux équipes et à la société est celle-ci : quand faut-il dire non ? Est-il légitime d’aider un couple dont le désir d’enfant est d’abord et surtout le désir d’insertion dans sa communauté ? De prendre en charge un couple où l’un des deux – en général le père – à une espérance de vie très réduite ? Un couple dont l’un des deux n’a jamais accès à la parole lors des entretiens, ou encore lorsque l’un des deux dit clairement n’avoir aucun désir d’enfant mais être là pour son conjoint/compagnon ? Qui décide ? Et de quelle autorité ?

     

    Cela est d’autant plus difficile à trancher que l’on ne peut qu’être affecté - sur le plan conscient mais aussi en résonance plus silencieuse avec sa propre histoire - par les blessures que portent ces couples en mal d’enfant. Le cadre institutionnel est d’un grand recours, fixant par exemple des limites d’âges pour les femmes – mais pas pour les hommes, alors que la question se pose. Mais quid des situations limites, ou encore des pratiques interdites chez nous, possibles ailleurs … N’est–on pas dans une certaine hypocrisie lorsqu’on demande aux médecins de ne pas les évoquer, alors qu’un tour sur internet permet d’avoir des adresses précises de cliniques en attente de patients ?

     

    Dans notre contexte de crise sociétale, l’assistance médicale à la procréation se trouve portée au devant de la scène politique et sociale. Se pose la question de l’anonymat du donneur dans le cadre du don de gamètes. On vit ici  un rapport très ambivalent au secret : le donneur est anonyme – notamment pour garantir l’activité -,  mais nous insistons sur l’importance de ne pas garder ce secret pour l’enfant … « Dire ou ne pas dire ? » me demandent les couples, avec le souci de protéger l’enfant à venir mais aussi leur propre insertion sociale, familiale, amicale. Ces inquiétudes viennent rappeler que le don n’est pas une pratique anodine : il fait venir au monde des enfants dont les parents sont « stériles » et  pose la question du tiers et sa place imaginaire et réelle dans le couple.

     

    Abordons aussi les questions d’une AMP pour les  couples homosexuels. S’il est  légitime d’affirmer leur désir d’enfant et de chercher à le combler, on ne peut ignorer la question des conséquences sur l’enfant à naitre, et son éventuelle réification. Comment donner voix à ce désir ? Devant un tel enjeu, la prudence ne serait-elle pas de mise ? Certes des histoires singulières peuvent inviter à plaider pour l’accès, mais ici la société est convoquée dans une vision plus large, afin de garantir le respect des principes du soin et des personnes. Tant qu’on estimera « facho » ou « conservateur » de refuser la PMA ou encore « dangereux » et « illégitime » de l’accepter, l’idéologie prend le pas sur l’intelligence. Par contre, sortir des idéologies sans angélisme – et donc sans oublier la question financière, y compris de pratiques à l’étranger -  doit permettre d’avancer, sans confondre égalité et uniformité. Sur ce terrain le législateur est confronté à l’éthique, et on ne peut que s’interroger sur la fragilité des moyens donnés pour nourrir et guider un débat pourtant nécessaire.

     

    D’autres questions difficiles nous sont déjà posées : la conservation des ovocytes des jeunes femmes afin de préserver leur fertilité ultérieure, la gestation pour autrui… L’AMP appelle ainsi  à inventer de nouveaux repères ; et voici qu’apparaissent des sentiments d’illusoire toute-puissance ou encore de craintes sclérosantes devant tant de possibles.  Comment allons –nous, tous, assumer ces questions, sans frilosité mais avec le souci de ce qui fait notre humanité, et ce dans une société portée par des systèmes de valeurs pluriels, parfois antagonistes ?

     

    Enfin, on pourrait questionner les modalités de prise en charge financière de l’AMP en France, alors que nous bataillons pour équilibrer un système de santé mis à mal. Ces questions touchent aux fondements de l’organisation de notre système de soins, mais aussi à la représentation que nous avons de la paternité et de la maternité.

     

    Dans des rêves utopiques où tout serait possible, l’AMP nous rappelle que l’arrivée d’un enfant passe par le corps - et ses limites bien réelles. Les interrogations qu’elle suscite aujourd’hui nous invitent à trouver des instruments pour faire face aux défis – et progrès - inimaginables que les avancées scientifiques n’ont pas fini d’engendrer. Elle provoque aussi l’Eglise à une réflexion sur ces pratiques qui ne cessent d‘évoluer. Peut-elle continuer à considérer de la même façon des pratiques peu invasives, la PMA intraconjugale, le don ? Que dit-elle aux enfants nés grâce à cela ? Et à leurs parents ?

     

    Voilà ce qui peut m’habiter en consultation certains jours…

     

    Anne Mortureux, psychologue à l'hôpital St-Vincent de Paul.

     

    SUPPLÉMENT : VERSAILLES


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