• - GRAND ENTRETIEN AVEC UN MUSULMAN D'ALGÉRIE

     

    - GRAND ENTRETIEN AVEC UN MUSULMAN D'ALGÉRIE

    Le Cheikh s'entretient avec un journaliste d'Aleteia

    Le grand entretien.

     

    « Nous avons la chance d’avoir un Pape provocateur qui nous encourage à aller de l’avant »

    Le cheikh Khaled Bentounès, 66 ans, chef spirituel musulman soufi, est un ardent promoteur du rapprochement intercommunautaire. De passage à l’Unesco fin septembre, le sage algérien a accordé une interview exclusive à Aleteia.

    MATHILDE RAMBAUD  18 OCTOBRE 2015

     

     

     

    Aleteia : On constate ces derniers temps en France une fracture entre les chrétiens, pratiquants ou seulement de tradition, et les musulmans. Comprenez-vous que les Français aient à ce point peur de l’islam ?

    Cheikh Khaled Bentounès : Bien sûr. Cette peur est compréhensible quand vous voyez que l’on commence à inculquer à des enfants de 7 ou 8 ans le rejet de l’autre, que cela se passe en France – et en français ! –, et que ces pratiques sont tolérées par les autorités. L’autre, même le musulman qui ne pense pas comme eux, est diabolisé. Certains imams vont même jusqu’à dire que la musique est l’œuvre du diable (cf.note ci-dessous))

    Mais de quel islam parle-t-on ? Cet islamisme fait peur aux musulmans eux-mêmes, nous avons peur de la même chose ! Il faut nous connaître et en profiter justement pour nous rapprocher. C’est la seule chose qui peut tous nous sauver, nous sommes embarqués sur le même bateau. La violence ne réglera rien. Le repli sur soi non plus.

     

    N’est-ce pas un peu idéaliste ?

    Ne sommes-nous pas là pour réaliser ce qui est idéal ? Donner au rêve une réalité ? N’est-ce pas là le pari de l’homme sur Terre ? C’est notre ego qui veut que nous ayons quelque chose à nous, notre propre façon de manger… Très bien, pourquoi pas, mais que l’on n’en fasse pas un problème au point de nous entretuer. C’est une absurdité totale : nous sommes au XXIe siècle !

     

    Comment expliquer que cette voie apaisée et spirituelle que vous défendez, le soufisme, souffre d’une si mauvaise presse dans le monde musulman ?

    Il y a une date à cela : 1923. Depuis 1923, le wahhabisme a conquis La Mecque et Médine, les deux lieux saints de l’islam. Ceux qui étaient à l’origine de véritables sectes, violentes et n’acceptant aucun dialogue, sont devenus, grâce aux pétrodollars, des monarchies richissimes et ont envahi le monde. Aujourd’hui, pratiquement toutes les chaînes de télévision arabes leur appartiennent. Ils financent tous ces fondamentalismes, tout ce salafisme, tous ces groupuscules dans le monde.

     

    Ils ont une force considérable derrière eux. Six millions de livres sont distribués chaque année à chaque pèlerinage (à la Mecque, ndlr). Plus de 45 000 imams sont financés par l’Arabie saoudite à travers le monde. Chacun d’eux, chaque vendredi, a face à lui au minimum 1 000 à 2 000 personnes. Allez voir leurs vidéos, écoutez-les. Il n’y a même pas besoin de traduction pour comprendre ce qu’ils racontent…

     

    Vous vous êtes également élevé contre l’opposition intra-musulmane entre sunnites et chiites, tout comme le pape François l’avait fait il y a quelque temps à l’adresse des chrétiens. Le monde musulman est-il prêt à l’entendre?

    Respectons l’opinion de l’autre ! Des millions de personnes le pensent mais personne n’ose le dire. Nous avons la chance d’avoir un Pape provocateur qui nous encourage à aller de l’avant, pour que l’humanité bouge. Je n’ai pas encore échangé personnellement avec lui, mais j’avais rencontré deux fois Jean Paul II. François bénit notre mobilisation en vue de la création d’une Journée mondiale du vivre ensemble et nous a envoyé une lettre en ce sens. Il est assez occupé, mais une rencontre est en préparation.

     

    Le dialogue avec l’Église catholique est important pour créer du lien. Le dernier message du prophète Mohamed avant sa mort tenait en quatre points : semez la paix, soyez généreux envers les nécessiteux, créez du lien entre vous et veillez la nuit quand les gens dorment. Tous les messages se retrouvent !

     

    Propos recueillis par Mathilde Rambaud

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     Pour mémoire, voici un court portrait de celui qui considère la musique comme "oeuvre du diable"

     Sur le Net, l'imam brestois qui hérisse les djihadistes

     

    Sur les réseaux sociaux, Rachid Abou Houdeyfa, le fondamentaliste et hyperconnecté imam de la mosquée du quartier Pontanézen à Brest, fait un carton. Ce qui lui vaut aussi d'être la cible d'extrémistes de tous bords. Jusqu'en Syrie.

    Un visage fin et jovial coiffé d'un keffieh, deux yeux malicieux derrière de discrètes lunettes, et une longue barbe filandreuse flottant au-dessus d'un kamis blanc immaculé. Tous les vendredis à l'heure de la prière, la même silhouette fluette s'anime dans la mosquée Sunna de Brest, dans le quartier de Pontanézen. Le même visage apparaît aussi sur les écrans de téléphone et d'ordinateurs de centaines d'autres fidèles, partout en France et bien au-delà. En quelques années, l'imam Rachid Abou Houdeyfa - Rachid El Jay de son vrai nom - s'est taillé une solide réputation : 153.405 "j'aime" sur sa page Facebook, 8.500 abonnés à son compte Twitter, 68.763 autres à sa chaîne YouTube. Ses centaines de vidéos totalisent près de 17,6 millions de vues !

    Dans une tombe, sur un bateau, ou à 11.000 m d’altitude

    Pourquoi un tel succès ? Un discours jeune, des prêches pêchus, collés à l'actualité. Et un ton syncopé qui électrise ses sermons. L'imam a aussi un sens très prononcé de la mise en scène. Pour parler de la mort, il se fait filmer "au coeur d'une tombe", fraîchement creusée (258.536 vues sur YouTube), ou "à 11.000 m d'altitude", alors qu'il file au Canada où il doit animer une conférence (près de 61.000 vues). Pour évoquer les loisirs ("Peut-on s'amuser ?"), il apparaît, en tee-shirt, avec des amis, sur un puissant bateau à moteur fendant les eaux méditerranéennes. Marié, père de cinq enfants, l'imam répond aussi à toutes les questions du quotidien. Aucun sujet ne le rebute. Piercings, faux-ongles, épilation, émoticônes, crédit bancaire, menstrues, alcool, divorce... Même les questions les plus inattendues (peut-on roter pendant la prière ?; la réponse dure 9 minutes). Qu'il évoque "les rapports intimes" ou aborde "le célibat et la masturbation" et la fréquentation s'envole au-delà des 400.000 ou même 600.000 vues.

    "Je ne suis pas salafiste !"

    Cette "visibilité" irrite aussi beaucoup. Les détracteurs de l'imam raillent du "prêt à penser" islamique et son absence d'études théologiques (il est autodidacte). D'autres condamnent ses positions peu modernistes, notamment sur les femmes. L'homme est même régulièrement taxé de salafiste, un courant de pensée fondamentaliste (*) revendiquant un retour à "l'islam des origines". Le qualificatif agace Rachid Abou Houdeyfa. "Je ne suis pas salafiste !, s'était-il défendu lors de notre entrevue il y a plusieurs mois. D'ailleurs, j'ai reçu des mises en garde de ceux qui se définissent comme tels en France." "Pour moi, il s'inscrit dans le courant salafiste quiétiste (influence saoudienne, wahhabisme), même s'il est beaucoup moins sectaire qu'eux", tranche Romain Caillet, spécialiste des questions islamistes.

    Insultes et menaces

    "Vous les médias êtes responsables des amalgames qui nous causent tant de torts, reproche l'imam brestois. Dès qu'on voit un homme avec une barbe, une femme avec un voile, c'est un extrémiste, un salafiste et un terroriste ! Dit-on des prêtres dans les monastères qu'ils sont des extrémistes ? Non ! Il s'agit de personnes, comme nous, qui souhaitons nous vouer davantage au dieu auquel nous croyons. Ces raccourcis créent des tensions et font au contraire le jeu des terroristes. Ces derniers disent à nos jeunes se sentant stigmatisés : voyez comment on vous considère et on vous rejette !"

    Lui veut ouvrir sa mosquée pour montrer qu'il n'a "rien à cacher". En janvier 2013, il invite même les écoles de la région brestoise à une "découverte pédagogique". Aucune ne lui répond. "Quand on s'ouvre, c'est du prosélytisme. Si on ne le fait pas, on est secrets et suspects !", dénonce l'imam, qui récolte après cet épisode une flopée de lettres d'insultes et de menaces. "Cela a duré des mois, jusqu'à mon domicile, même la nuit", déplore-t-il. Cela ne l'a en tout cas pas empêché de lancer, il y a quelques semaines, un appel aux dons (830.000 € espérés) pour financer la construction d’une école musulmane à Brest.

    "Va apprendre à faire du pain ma soeur"

    Sa visibilité et ses prises de position font aussi grincer des dents, jusqu'en Syrie. "Extrémistes et djihadistes salissent l'islam et n’ont rien à voir avec lui", condamne régulièrement l'imam dans ses vidéos. « Il est de notre responsabilité, nous les imams, de dénoncer cela. Quand j’en ai parlé pour la première fois, peu d’imams osaient le dire ouvertement. Cela s’est tout de suite vu sur Internet. Cela m’a valu des menaces de mort », assure Rachid Abou Houdeyfa. Très difficile, selon lui, de raisonner les partisans du djihad. « Bien souvent, ils n’ont aucune culture et connaissances religieuses. Ils n'écoutent personne, pas même les savants reconnus. Ces gens sont très perturbés", résume-t-il. Un jour de 2013, il adresse un "message aux soeurs qui parlent de djihad" et qui le prennent à partie. "Va plutôt apprendre à faire du pain", lance-t-il notamment au cours d'un prêche enflammé posté sur YouTube. Une "soeur" lui répond et reprend son slogan, qui deviendra culte dans la sphère djihadiste. Sur la photo que la jeune femme poste sur Twitter, depuis la Syrie, on aperçoit des petits pains disposés aux côtés d'une kalachnikov et d'un pistolet. Le commentaire dit, en substance, la chose suivante : "On a appris à faire les deux".

    (*) « Contrairement à une idée reçue, les salafistes d’Europe sont dans leur extrême majorité très orthodoxes et pacifiques, et refusent toute intervention dans le champ politique » (« Les Français jihadistes », David Thomson, ed Les Arènes).

     

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