• - FONTFROIDE


    Abbaye de Fontfroide, Carbone, dans l'Aude 

    - FONTFROIDE


    par Jean-Baptiste Noé
    7 août 2016


    Le département de l’Aude a la mer à portée de main et la montagne sur ses épaules. Il a les vignes qui descendent délicatement en coteaux et de vastes étangs où se mêlent l’eau douce et l’eau salée. Le Massif Central y expire doucement, la Méditerranée s’y ouvre largement. L’Espagne n’est pas très loin et, par le seuil de Naurouze, on rejoint la région toulousaine et l’Aquitaine. Les influences y sont donc multiples et d’abord celles des Romains qui y ont imprimé leurs traces dès les premiers siècles de l’Empire. Ici, on n’a pas attendu la défaite de Vercingétorix pour bénéficier de la romanité.


    Naissance d’une abbaye


    Fontfroide est construite dans la périphérie de Narbonne. Son nom indique bien que le lieu choisi est humide et frais : nombreuses sont les sources qui affleurent ; l’eau venant de la montagne. Elle est fondée en 1093 et se rattache alors à l’ordre bénédictin puis, au milieu du XIIe siècle, elle rejoint l’ordre cistercien. Venir à Fontfroide, c’est s’intégrer au nœud d’échanges abbatial : Fontfroide est dans le réseau de Sénanque, de Clairvaux, de Lérins et de Valbonne. Toutes furent des hauts lieux spirituels et intellectuels de la chrétienté, et aujourd’hui leurs bâtiments continuent d’enchanter les visiteurs et de proposer de multiples expositions et concerts.


    Fer de lance de l’orthodoxie


    Cette abbaye des Corbières joue un rôle essentiel dans la lutte contre l’hérésie manichéenne qui secoue le Languedoc au XIIIe siècle. Pierre de Castelnau, moine de Fontfroide, est nommé légat du pape par Innocent III. Celui-ci a la mission de parcourir le pays pour affermir les évêques et structurer la lutte contre les cathares. Cistercien, il mène sa mission avec les armes de la foi et de la raison, menant de nombreuses controverses théologiques avec les chefs hérétiques. Castelnau s’oppose plusieurs fois au comte de Toulouse Raymond VI, qu’il trouve trop timoré dans la lutte contre les hérétiques. Cette confrontation aboutit à l’excommunication de Raymond, en 1208. Castelnau, en déplacement à Saint-Gilles, dans le Gard actuel, est alors assassiné par un écuyer de Raymond VI. Cet assassinat fut l’événement déclencheur de la croisade menée contre les Albigeois. Quant à Pierre de Castelnau, il fut déclaré martyr de la foi puis béatifié.


    Montaillou, village occitan


    Autre moine célèbre de Fontfroide, Jacques Fournier, qui en fut l’un des abbés, et qui devint pape sous le nom de Benoît XII (1334-1342). Avant cette élection au siège de Pierre, Jacques Fournier fut évêque de Pamiers, où il prit à cœur l’évangélisation des populations, qui oscillaient entre superstition et hérésie. L’inquisiteur Fournier pose de nombreuses questions aux personnes interrogées sur leur vie quotidienne, leur piété, leur réseau de relations. Tout étant consigné par écrit, cela donne un document d’archives inestimable qui est heureusement conservé à la bibliothèque du Vatican. C’est ce matériau que l’historien Emmanuel Leroy Ladurie a utilisé pour tenter de comprendre la vie des paysans de l’époque. Il en a tiré un ouvrage, Montaillou, village occitan. 1294-1324, paru en 1975. Bien qu’érudit et savant, cet ouvrage fut un immense succès de librairie, en France et dans le monde. Il s’en est écoulé à ce jour plus de deux millions d’exemplaires, ce qui est unique pour un livre d’histoire aussi pointu.


    Renaître par les fleurs et le vin


    Comme nombre d’abbayes médiévales, l’histoire de Fontfroide semble s’arrêter au seuil du XIVe siècle. L’abbaye a certes perduré, mais avec moins de vigueur intellectuelle et religieuse. Son âge d’or était désormais derrière elle. Elle connaît en 1790 le destin des abbayes de France : vendue comme bien national elle est laissée à la portée des acquéreurs qui se portent garant de ses richesses. En 1848, des moines venus de Sénanque se réinstallent à Fontfroide pour y relancer la vie conventuelle. La communauté est chassée en 1901, suite au conflit entre la République et l’Église. En 1908, le monument est racheté par un couple d’artistes collectionneurs, Gustave et Madeleine Fayet, qui œuvrent pour redonner vie à l’abbaye. Leurs descendants la possèdent toujours. Ils y cultivent les fleurs, dans une superbe roseraie où se côtoient des dizaines de variétés de roses, fugaces et aromatiques. La beauté de ce lieu a permis son classement en Jardin remarquable. L’été, la musique résonne sous les voûtes, de nombreux concerts classiques y étant proposés. Plus loin, dans le caveau, ce sont les bouchons qui sonnent et les verres qui trinquent. Fontfroide a remis ses vignes à l’honneur et propose des vins de très bonne facture. Elle est membre du réseau des Vins d’Abbayes qui, depuis 2008, regroupe des abbayes, en activité ou non, qui produisent du vin et qui font vivre la tradition œnologique des moines. À Fontfroide comme ailleurs, l’amour catholique de la table l’a emporté sur l’ascèse puritaine des cathares.

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