• - LA PEINE DE MORT

    LA PEINE DE MORT

     

    - LA PEINE DE MORT

    Robert BADINTER à l'Assemblée Nationale

     

     

    Le 18 septembre 1981, à Paris, l'Assemblée nationale vote la loi d'abolition de la peine de mort présentée par le garde des Sceaux, Robert Badinter, 53 ans.

     

    369 députés votent en sa faveur et 113 s'y opposent. Cette initiative met la France au diapason des autres pays d'Europe occidentale. C'est la principale mesure qui reste des deux septennats du président François Mitterrand.

    Alban Dignat

     

    Un long chemin

     

    Toutes les sociétés, à notre connaissance, ont pratiqué la peine de mort, avec des variantes innombrables : décapitation, strangulation ou empoisonnement à la ciguë (Athènes), décapitation ou lapidation (Hébreux), décapitation, précipitation, pendaison, crucifiement (Rome).

     

    La France de l'Ancien Régime n'a rien à envier à ces antiques exemples : décapitation (noblesse), pendaison, roue ou encore écartèlement (régicide). Mais la Révolution arrive et au nom de l'article 1 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (« tous les citoyens sont égaux... »), elle généralise l'emploi de la machine du bon docteur Guillotin : « Tout condamné à mort aura la tête tranchée ».

     

    Notons que l'Angleterre l'a devancée dans la voie de l'égalité en généralisant la pendaison et en l'étendant à une multitude de délits, y compris de simples larcins ! Les exécutions sont publiques car on y voit une manière de dissuader les criminels potentiels. Elles s'apparentent par leur succès populaire aux jeux du cirque antiques. L'historien Jean-Claude Chesnais cite une exécution, à Londres, en 1824, qui aurait attiré jusqu'à cent mille spectateurs (dans un pays d'à peine dix millions d'habitants).

     

    Mais dès la fin du XVIIIe siècle, la peine de mort fait l'objet d'une contestation courageuse. Elle vient d'un jeune marquis italien, admirateur de Montesquieu, Cesare Beccaria. Dans un opuscule publié sous le manteau en 1764, Des délits et des peines, il écrit : « L'État n'a pas le droit d'enlever la vie. La peine de mort est une survivance de rigueurs antiques et un anachronisme dans une société policée. Elle n'est pas seulement inutile parce que sa valeur d'exemple est nulle, elle est aussi nuisible ».

     

    Sa protestation est relayée par Voltaire puis Robespierre (qui changera assez vite d'avis). Après la chute de l'Empire, François Guizot relance le combat en faveur de l'abolition et échoue de peu à faire voter une loi dans ce sens. Le jeune poète Victor Hugo publie en 1829 Le Dernier Jour d'un Condamné (il s'agit du récit des derniers moments d'un jeune condamné, par lui-même). À ce livre, il ajoute en 1832 une préface qui est un vigoureux plaidoyer contre la peine de mort avec des arguments toujours actuels (« Se venger est de l'individu, punir est de Dieu »).

     

    Les pays nordiques sont les premiers à délaisser la peine de mort. La Finlande entame le mouvement dès 1826, suivie par la Norvège en 1875, le Danemark en 1892, la Suède en 1910. Les Pays-Bas l'abolissent en 1850. Née en 1830, la Belgique applique la peine de mort avec réticence, le roi usant généralement de son droit de grâce. La peine capitale est systémariquement commuée en détention à perpétuité à partir de 1950 et officiellement abolie en 1996. La Suisse entame le processus d'abolition en 1874. Plus surprenant, le Portugal l'abolit en 1867 et l'Italie en 1890 (Mussolini la rétablira brièvement). Parmi les tard venus à l'abolition figure l'Allemagne (1949).

     

    France : essais successifs

     

    En France, après la vaine tentative de Guizot, le républicain Jules Simon tente une nouvelle fois en 1870 de faire passer l'abolition.

     

    Au tournant du siècle, les présidents de la République Émile Loubet (1898-1906) et Armand Fallières (1906-1913) usent systématiquement de leur droit de grâce, en résistant avec courage à la pression de l'opinion publique. Le garde des sceaux Aristide Briand veut transformer l'essai en faisant passer une simple loi : « La peine de mort est abolie », mais l'opposition se déchaîne !

     

    Au matin du 17 juin 1939, la guillotine est installée devant la prison de Versailles pour l'exécution de l'assassin Eugen Weidmann (31 ans). Mais un retard de près d'une heure laisse au soleil le temps d'éclairer la scène. Les photographes en profitent ainsi que le public, dans lequel figurent des fêtards tout juste sortis de boîtes de nuit.

     

     

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    Exécution d'Eugen WEIDMANN

     

    Exécution d'Eugen Weidmann devant la prison de la Santé, à Paris (17 juin 1939)

     

     

    Le scandale conduit le gouvernement à interdire les exécutions publiques. Celles-ci auront désormais lieu dans la cour des prisons. Mais dès lors, pendant l'Occupation, on ne rechignera plus à exécuter des femmes, ce qui n'était plus arrivé depuis 1906... Et à la Libération, la peine de mort n'est plus limitée à des crimes de sang mais étendue à des vols à main armée.

     

    La guerre d'Algérie suscite un regain d'activité de la guillotine avec un peu plus de deux cents exécutions entre 1956 et 1962. Avec le retour de la paix civile, on compte ensuite de moins en moins de condamnations à mort et, en 1970, année sans exécution, le sombre rituel paraît voué à tomber en désuétude. Mais l'exécution de Buffet et de son complice Bontemps, le 28 avril 1972, anéantit les espoirs des abolitionnistes, parmi lesquels maître Badinter, avocat de Bontemps.

     

    Les deux accusés, en prison à Clairvaux, avaient pris trois personnes en otage à l'infirmerie et en avaient tué deux, dont une infirmière. Le doute plane sur la participation active de Bontemps au crime. Malgré cela, il est condamné à mort comme son complice et exécuté après que le président Georges Pompidou, déjà affecté par la maladie, eut refusé sa grâce.

     

    Le 10 mars 1976, une nouvelle condamnation envoie à l'échafaud Christian Ranucci, un jeune homme de 20 ans accusé du meurtre d'un enfant. Là aussi, le doute plane sur sa culpabilité mais le jury bascule en bonne partie parce qu'un mois plus tôt, le 17 février 1976, est apparu sur les écrans de télévision un autre criminel, avéré celui-là : Patrick Henry, coupable d'enlèvement et d'assassinat d'un garçonnet. Ce soir-là, le journal télévisé s'ouvrait sur cette exclamation du présentateur Roger Gicquel : « La France a peur »...

     

    Christian Ranucci se voit refuser sa grâce par le président Valéry Giscard d'Estaing, dont l'esprit d'ouverture se heurte à la pression croissante de la fraction conservatrice de son camp. Du coup, le rival socialiste du président va faire de ce thème de l'abolition le marqueur de sa campagne de 1981 et même de son double septennat...

     

    La peine de mort dans le monde (2015)

     

    La peine de mort a été unanimement répudiée par les États européens et le Canada ainsi que de nombreux États latino-américains et plusieurs États d'Afrique subsaharienne et d'Océanie. La Russie ou encore l'Algérie ont instauré un moratoire sur son application...

     

    Au total, en 2009, 140 des 192 membres de l'ONU ont aboli ou suspendu la peine de mort, ou bien ne l'appliquent qu'à des cas très particuliers (crimes contre l'humanité en Israël, crimes militaires...). Mais ces pays ne rassemblent que 40% de la population mondiale et constituent la fraction la moins dynamique de la planète !

     

    Mais l'essentiel de l'Asie et les pays les plus peuplés du monde (Chine, Inde, Indonésie, États-Unis, Pakistan, Japon, Bangladesh, Nigéria, Égypte etc) continuent d'appliquer la peine de mort sans guère d'état d'âme.

     

    Par ailleurs, au vu des barbares « exécutions » mises en scène par les islamo-terroristes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, la peine de mort est en passe de devenir, comme la condamnation du blasphème, une marque de différenciation entre l'Occident chrétien et ceux qui le combattent.

     

    La peine de mort aux États-Unis

     

    La peine de mort a été introduite dans les colonies d'Amérique du nord dès 1608. On est passé d'environ 50 exécutions en 1800 à 150 en 1900. Après un pic durant la prohibition avec 200 exécutions en 1930, leur nombre a décliné jusqu'à la fin des années 60.

    En 1967, la Cour Suprême a considéré la peine de mort comme un châtiment cruel interdit par le VIIIe amendement de la Constitution et aucune exécution n'a plus eu lieu jusqu'en 1976, quand la même Cour a admis qu'avec la garantie d'un pourvoi en appel, il n'y avait pas violation de la Constitution. Les exécutions ont donc repris de plus belle... Les mentalités n'en évoluent pas moins. 65% des Américains sont encore favorables à la peine de mort en 2009 mais ils étaient 80% en 1993. De plus, 15 États sur 50 l'ont déjà abolie, du Michigan, en 1845, au Nouveau-Mexique, en mars 2009.

    C'est que de plus en plus d'Américains sont sceptiques sur son effet dissuasif, observant que les États les plus actifs comme le Texas sont aussi ceux où la criminalité est la plus forte ! Un rapport américain indique d'ailleurs que 57 % des policiers eux-mêmes ne croient plus à son efficacité. Ensuite, les tests ADN révèlent que les « couloirs de la mort » hébergent de nombreux innocents condamnés à tort. Enfin, comme l'a indiqué Bill Richardson, gouverneur du Nouveau-Mexique, un procès mettant en jeu la peine capitale coûte près d'un million de dollars en plus, du fait de la multiplication des niveaux d'appels.

     

    André Larané

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