• - BAPTÊME DE L'EUROPE

    (Des origines à nos jours : Le peuplement et l'Histoire de l'Europe

     

    À l'extrémité de l'immense et massive Eurasie, la péninsule européenne ne ressemble en rien à un continent. Elle n'est d'ailleurs considérée comme tel que depuis cinq siècles !

     

    Mais elle bénéficie d'un climat tempéré et de côtes ciselées, favorables au cabotage des navires et aux échanges. Ces facteurs ont très tôt favorisé son peuplement et l'épanouissement de grandes civilisations, dont la nôtre.)

     

    André Larané

     

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    Le baptême de l'Europe

     

    C'est aux Grecs de l'Antiquité qu'il appartint de baptiser les régions mystérieuses qui s'étendent à l'ouest de la mer Égée. D'après Hésiode, poète du VIIIe siècle av. J.-C., ils l'appelèrent Europe, du nom d'une princesse de la mythologie qui aurait vécu dans l'actuel Liban.

    Fille d'Agénor, roi de Phénicie, Europe jouait sur la plage quand elle remarqua un magnifique taureau et monta sur son dos, manière de jouer. La bête plongea aussitôt dans les flots et l'entraîna sur l'île de Crète. Là, le taureau, qui n'était autre que Zeus, le roi des dieux, prit forme humaine pour s'unir à Europe, lui donnant trois fils, dont Minos, roi légendaire de l'île.

    Des linguistes plus sérieux postulent que le mot viendrait de l'akkadien, langue ancienne de la Mésopotamie. Il dériverait du mot erebu, qui veut dire entrer, tandis qu'Asie dériverait du mot asu, surgir, l'Europe désignant le Couchant, où se couche le soleil, et l'Asie le Levant...

    Quoiqu'il en soit, le nom de l'Europe resta confidentiel jusqu'à la fin du Moyen Âge !

     

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    Un peuplement diversifié

     

    Nous conservons de la Préhistoire les belles peintures rupestres de Lascaux (France) ou encore Altamira (Espagne), vieilles de 18.000 ans environ.

     

    Temple mégalithique de Stonehenge, près de Salisbury (Angleterre), IIIe-IIe millénaire av. J.-C. (DR)Certains linguistes voient aussi dans la langue basque une réminiscence des cultures paléolithiques de l'Europe, comme de celle qui a inspiré la civilisation des mégalithes (dolmens et menhirs) aux Ve-IIIe millénaires av. J.-C..

     

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    Mais il semble que la plupart des populations européennes actuelles se soient fixées seulement au IIe millénaire av. J.-C., tandis qu'à la même époque prospérait en Mésopotamie la cité de Babylone !

     

    À la fin du Chalcolithique (Âge du Cuivre et de la pierre polie) et à l'Âge du Bronze, on voit ainsi apparaître en Europe les Celtes, les Germains, les Latins, les Grecs, les Scythes... Beaucoup plus tard, au VIe siècle après J.-C., viennent les Slaves. Toutes ces populations se caractérisent par des parentés linguistiques qui ont conduit les érudits à définir une identité commune indo-européenne.

     

    À l'Âge du Fer, au cours du 1er millénaire av. J.-C., les Celtes occupent un très vaste espace, de la Grande-Bretagne à l'Anatolie, dont les Gaulois ne sont qu'un rameau. Ils se signalent par des techniques agricoles très développées (Halstatt ou premier Âge du Fer, Tène ou second Âge du Fer à partir de 450 av. J.-C.).

     

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    La civilisation urbaine pénètre au même moment dans les plaines et les vallées septentrionales par le biais des marchands et des colons venus de Grèce ou encore de Phénicie et de Carthage.

     

    Unité méditerranéenne

     

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    Enlèvement d'Europe (fresque de Pompéi, musée de Naples)Après son « baptême » par les Grecs, l'Europe reste encore longtemps un concept vide de sens : c'est autour de la Méditerranée, en effet, que Rome fait, dans un premier temps, l'unité de l'Occident, diffusant partout l'écriture, le droit, l'urbanisme et également les sciences et les arts helléniques.

     

    Au nord, les légions romaines ne dépassent guère le Rhin et le Danube, laissant dans l'ombre la moitié de l'Europe (aujourd'hui occupée par des États de culture germanique ou slave). À l'est, elles atteignent l'Euphrate et les marges de l'Arabie. Au sud, elles ne sont arrêtées que par le Sahara et les cataractes du Nil.

     

    Rome atteint son apogée au IIe siècle de notre ère. Son empire recense alors cinquante millions d'habitants, soit autant que l'empire chinois de la même époque, tandis que la Terre dans son ensemble en compte environ 250 millions... Aujourd'hui, l'Europe et le monde méditerranéen, héritiers de Rome, représentent presque un milliard d'hommes et la Chine, 1,4 milliard.

     

    Après l'assassinat de l'empereur Commode, en l'an 192, les symptômes de crise se multiplient dans l'empire romain. Les campagnes se dépeuplent du fait d'une dénatalité déjà ancienne. Aux marges de l'empire, on recrute des Barbares pour combler les effectifs des légions et remettre les terres en culture.

     

    L'industrie s'étiole par manque de débouchés. L'État tente de réagir par des réglementations tatillonnes qui ne font qu'aggraver les maux de la société. Aux frontières, les Barbares se font menaçants : Maures en Afrique du nord, Germains sur le Rhin et le Danube, Parthes en Orient. Au Ve siècle, des Germains pénètrent avec armes et bagages à l'intérieur de l'empire et s'établissent où ils le peuvent...

     

    Leurs effectifs ne sont pas élevés. Tout compris, ces envahisseurs qui ont défait l'empire romain représentent 5 à 10% de sa population. Mais provinces et pays conservent encore le souvenir de leurs invasions : l'Andalousie, qui vit passer des Vandales, la Bourgogne, occupée par des Burgondes... Le nom de l'Allemagne rappelle celui des Alamans... celui de l'Angleterre, les Angles (et les Saxons) et celui de la France, les Francs.

     

    Les deux siècles qui suivent sont marqués par l'arrivée de nouvelles tribus germaniques, les Lombards, qui ont laissé leur nom à la Lombardie. Des Slaves s'installent enfin au centre du continent, jusque sur l'Elbe. Ils repeuplent la péninsule grecque et adoptent la langue des derniers descendants de Périclès et Eschyle. En marge du peuplement indo-européen, quelques tribus de type mongoloïde s'installent au bord de la Baltique et dans le bassin du Danube. Le hongrois, le finnois et l'estonien en portent témoignage.

     

    Les rois mages, mosaïque de Sant'Apollinare Nuovo, Ravenne, Ve siècle

     

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    Au VIIe siècle, l'ouest et le nord du continent sont en plein chaos. Encore mal converties au christianisme, les populations survivent avec peine. La fusion entre Romains et Barbares s'opère lentement.

     

    Formation d'une chrétienté occidentale

    Les musulmans envahissent l'Espagne (711, bataille de Guadalete)Un événement majeur survient avec l'irruption des Arabes sur les franges méridionales de l'Europe, en Espagne et au Proche-Orient. Elle met fin à l'unité du monde antique gréco-romain et chrétien.

     

    La mer Méditerranée, qui était un trait d'union, devient une frontière ainsi que le souligne l'historien Henri Pirenne dans un article célèbre, Mahomet et Charlemagne, en 1922 (*). C'est à ce moment-là, au VIIIe siècle, qu'est employé pour la première fois le mot « Européens » (Europenses en latin) : dans la Chronique mozarabe, il désigne la coalition franque qui s'oppose aux envahisseurs musulmans en Aquitaine et plus particulièrement à Poitiers (*).

     

    Tandis que l'empire romain d'Orient, devenu byzantin, est grignoté inexorablement par les Arabes puis par les Turcs, l'Europe occidentale se recentre faute de mieux sur la Rhénanie, autour d'Aix-la-Chapelle, capitale de l'empereur Charlemagne. Après les Sarrasins, celui-ci et ses successeurs doivent encore repousser d'autres envahisseurs : les Vikings et les Hongrois, mais au final, les Carolingiens arrivent à mettre l'empire et ses populations à l'abri de toute nouvelle agression extérieure.

     

    À partir de l'An Mil, l'Europe occidentale ne va plus connaître de nouvelle invasion. Cette circonstance bénéfique va lui permettre de s'épanouir et de faire son unité spirituelle sous l'égide d'un clergé actif, à la fois missionnaire, défricheur et érudit.

     

    À la fin du XIIe siècle, il ne reste presque plus rien des clivages entre anciennes tribus. Partout, les voyages, à la faveur des foires, des pèlerinages, des défrichements et aussi des épidémies, favorisent les brassages de populations et renforcent le sentiment d'unité par-dessus les différences de langues et l'allégeance à tel ou tel suzerain.

     

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    Romains et Valaques, fresques de Saint-Procule (Naturns, sud du Tyrol, IXe siècle)

     

     

    En Angleterre s'efface la distinction entre Angles, Saxons et Normands. Dans l'ancienne Gaule, les modestes rois capétiens qui ont succédé aux Carolingiens réussissent l'exploit improbable de donner une conscience nationale à des populations que tout semble opposer : Picards, Normands, Languedociens, Champenois, Flamands, Bretons, Provençaux et autres.

     

    Par-dessus les nations en gestation, la papauté maintient et cultive un sentiment profond d'unité. Cette unité se reflète dans l'art gothique comme dans les romans de chevalerie et les courants philosophiques. D'ailleurs, les Européens du Moyen Âge se conçoivent comme appartenant tout simplement à « la chrétienté ».

     

    À l'Est toutefois, l'invasion mongole brise l'essor de la Russie et détache celle-ci de l'Occident. Il faudra attendre le règne de Pierre le Grand au XVIIIe siècle pour tenter de raccommoder les deux parties de l'Europe. Les tensions actuelles témoignent de l'incompréhension qui subsiste entre elles.

     

    Une conscience européenne tardive

     

    Dans la lettre d'un pape du milieu du XVe siècle, le mot Europe en vient pour la première fois à désigner l'ensemble des terres situées au nord de la mer Méditerranée. Cette prise de conscience d'une unité de civilisation se forge à travers la lutte contre les Turcs ottomans qui ont abattu l'empire byzantin et exercent une pression constante sur l'Europe des Balkans et du Danube.

     

    Le mois de janvier, Calendarum Grimani (école de Bering, Bruges, vers 1515)Sous la Renaissance, après la Réforme de Martin Luther qui met fin à l'unité religieuse de l'Occident, le mot Europe va définitivement remplacer celui de chrétienté.

     

    Avec la découverte d'un Nouveau Monde par Christophe Colomb, l'Europe occidentale élargit son horizon. L'Europe orientale, de la même façon, regarde vers les immensités sibériennes. Les Européens commencent à émigrer, qui vers les Amériques, qui vers la Sibérie.

     

    Mais à l'intérieur du continent, l'instabilité est reine. Les empires se font et se défont. Les populations migrent à l'occasion des conflits. L'Alsace, ravagée par la guerre de Trente Ans est repeuplée par des populations voisines. Il en est de même pour le Palatinat, dévasté par les armées de Louis XIV.

     

    À la différence de la civilisation chinoise, qui s'est perpétuée depuis plus de deux mille ans autour d'un empire unifié, la civilisation européenne s'est épanouie sous la forme de différents États-Nations à la fois proches et concurrents. Faut-il le regretter ?...

     

    Issus des monarchies féodales, ces États se sont efforcés de préserver la paix en multipliant les alliances matrimoniales entre dynasties souveraines mais d'autre part n'ont pas résisté à la tentation de s'enrichir aux dépens des voisins.

     

    Ces rivalités se sont avérées fécondes. Ainsi le petit Portugal et l'Espagne se sont-ils lancés simultanément dans l'exploration des mers lointaines, au XVe siècle, avant que le relais ne soit pris par les Hollandais et les Anglais au siècle suivant... La même émulation a joué dans les domaines scientifiques et techniques, ainsi que dans les domaines intellectuels et artistiques. Elle a joué hélas aussi dans le domaine colonial, de façon caricaturale, à la fin du XIXe siècle (la « course au drapeau »)...

     

    Dans le même temps où les Portugais posaient pour la première fois le pied outre-mer, à Ceuta, en 1415, de l'autre côté de l'Eurasie, l'empereur Ming finançait une « flotte des Trésors » pour explorer l'océan Indien mais il allait suffire d'un changement de souverain pour que cet effort gigantesque soit suspendu, sans personne pour prendre le relais. Ainsi la Chine, en raison même de sa trop grande centralisation, a-t-elle plusieurs fois raté son décollage tandis que l'Europe divisée réussissait le sien.

     

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    Le port de Séville au XVIe siècle (détail, Alonzo, Sanchez Coello)

    XIXe siècle : expansion

    Les États-Nations ont eu à se battre aussi les uns contre les autres, dans des guerres au demeurant moins meurtrières que ne le furent certaines guerres civiles comme la guerre de Trente Ans et sans rien de comparable avec les bouleversements connus par la Chine lors des ruptures dynastiques (plusieurs dizaines de millions de victimes à chaque fois).

     

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    La chute de Napoléon 1er en 1815 ouvre près d'un siècle de paix et de stabilité politique relative dont bénéficie tout le continent, de l'Atlantique à la Sibérie. La Révolution industrielle, les progrès de l'agriculture et surtout l'amélioration de l'hygiène publique (de Jenner à Pasteur) entraînent une progression sans précédent de la population européenne.

     

    En Europe occidentale, l'espérance de vie à la naissance s'élève de 35 ans vers 1780 à 40 ans vers 1840 (soit tout de même deux fois moins qu'aujourd'hui et également moins que dans les pays les plus déshérités de notre époque). Parallèlement, la natalité augmente du fait de l'abaissement de l'âge au mariage (sauf en France où les petits propriétaires ont dès le milieu du XVIIIe siècle limité leur descendance pour éviter de disperser leur héritage).

     

    Il s'ensuit une très forte poussée démographique. De 190 millions en 1800 (20% de la population mondiale), la population du continent passe à 420 millions en 1900 (25% de la population mondiale). Ne s'accroissant plus guère par la suite, la population européenne va retomber à la fin du XXe siècle à un modeste 10% de la population mondiale, Russie comprise.

     

    Cette poussée démographique favorise le développement industriel mais laisse beaucoup de gens sur le bord du chemin (paysans sans terre, ouvriers sans emploi, Irlandais ruinés par la Grande Famine, réfugiés juifs d'Europe orientale, chrétiens chassés de Turquie...). Il s'ensuit un puissant mouvement d'émigration qui ne va cesser de s'amplifier jusqu'à la veille de la Première Guerre mondiale, avant que la contraception ne freine peu à peu la natalité des différents pays européens.

     

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    Dans les années 1830, dix mille Européens émigrent par an. Dans les années 1900, ils sont 1.500.000. Ces déshérités se dirigent en priorité vers les États-Unis et dans une moindre mesure vers le Canada et l'Australie. Ils vont aussi « blanchir » l'Amérique du Sud (Chili, Argentine, Brésil). Par la force de leurs bras et leur esprit d'entreprise, ils contribuent à diffuser tout autour de la planète la civilisation européenne, avec ses vertus et ses excès.

     

    Irlandais en partance pour les Etats-Unis après la Grande Famine de 1847

     

    XXe siècle : reflux

    Changement du tout au tout à la veille de la Première Guerre mondiale, dans une Europe plus puissante et plus peuplée que jamais. La natalité fléchit et la croissance démographique se ralentit.

     

    La France, épuisée par les guerres de la Révolution, a une longueur d'avance en ce domaine. Dès le milieu du XIXe siècle, sa population est en voie de stagnation. Des immigrants commencent à affluer des régions surpeuplées qui l'entourent (Borinage belge, Vénétie, Pologne...). Ils vont travailler dans les mines ou remettent en culture les terres abandonnées du Sud-Ouest.

     

    Quand éclate la Première Guerre mondiale, Charles Mangin, un général rescapé des colonies, préconise l'emploi de troupes d'outre-mer (la « Force noire »). Il y voit un moyen de suppléer l'infériorité numérique des Français face aux Allemands. Le gouvernement français fait venir également de la main-d'oeuvre d'Indochine ou de Chine pour remplacer dans les usines les ouvriers envoyés aux tranchées.

     

    Après le rebond démographique consécutif à la Seconde Guerre mondiale, la France et l'ensemble de l'Europe voient à nouveau leur fécondité fléchir en 1974. Cette année-là, l'Europe accueille des populations venues d'ailleurs en nombre plus important que n'émigrent ses propres enfants. Pour la première fois en mille ans d'Histoire, elle devient une terre d'immigration et de peuplement.

     

    Le traumatisme des deux guerres mondiales laisse place à une unification économique et politique, en premier lieu pour résister à la menace soviétique, en second lieu pour offrir à l'Europe davantage de poids dans une économie mondialisée. Avec pour devise : « Unie dans la diversité », cette tentative se conforme à l'esprit de la civilisation européenne, une et diverse à la fois... Les dirigeants européens vont toutefois s'en écarter avec une unification monétaire mal menée et rigide qui va transformer l'Europe en « jungle », selon la prédiction formulée en 1995 par l'historien Emmanuel Todd (préface à L'Invention de l'Europe).

    Herodote.net

     

     

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