• - GÉNÉTHIQUE 178

    GÉNÉTHIQUE, n° 178

     

    - GÉNÉTHIQUE 178

    Elles sont 64 à avoir répondu. La moyenne d’âge de ces femmes est de 26 ans. La plus âgée a 67 ans, la plus jeune 16 ans. L’une d’elle a dû avorter à 14 ans. Si l’échantillon n’a pas de valeur représentative, cette consultation donne cependant sa place, dans ce débat, à la parole de femmes directement concernées par l’avortement et qui se disent en majorité favorables au maintien du délai de réflexion obligatoire.

     

    Gènéthique leur a demandé si elles souhaitaient effectivement la suppression du délai de réflexion, si ce délai avait pesé sur leur décision et comment elles avaient traversé ces sept jours. Enfin, comment elles considéraient l’avortement.

     

    1. Des femmes qui ne souhaitent pas la suppression du délai de

    réflexion

     

    32 femmes estiment que ce délai est important et qu’il ne doit pas être supprimé, que cette semaine a pesé sur leur décision.

    Même si quasiment toutes ont traversé des « journées remplies de doutes », si ce délai, « très perturbant », a été un moment éprouvant :

    « J’ai été torturée. Changé des millions de fois d’avis » ou « j’étais perdue», « je n’arrêtais pas de penser à ce que j’allais faire et ça me faisait tellement mal », elles estiment cependant que cette étape a été importante, voire nécessaire : un temps qui a été « très utile pour moi » précise l’une d’elle.

     

    Un délai jugé souvent trop court

     

    Et plusieurs expliquent qu’il est même trop court. L’une d’elle raconte : « J’y ai été forcée par ma famille et je pense que si le délai avait été plus long j’aurais pu réussir à m’organiser pour garder cet enfant, ou du moins réussir à me battre contre ma famille ». Une autre précise : « C’est trop court et avec la pression des familles et du compagnon, il faudrait qu’on nous écoute plus car c’est nous qui en souffrons après », tandis qu’une troisième, qui n’a pas bénéficié du délai de réflexion, conclut : « Car à l’heure d’aujourd’hui, je serai sûrement maman ».

    Elles veulent éviter « la banalisation de l’acte » qui reste grave « malgré tout ce que l’on peut essayer de nous faire croire », « une IVG reste un moment douloureux dans la vie d’une femme », et prendre le temps de « peser le pour et le contre », « pour être sûre », « pour ne pas regretter », parce que « les décisions importantes ne doivent pas être impulsives ».

     

    La souffrance vécue après l’IVG justifie ce délai de réflexion

     

    Elles légitiment l’opportunité de ce délai en évoquant souvent leur souffrance après l’avortement : « Il s’agit aujourd’hui d’apprendre à vivre avec », « c’est un acte qui marque », « un choix que l’on regrettera sûrement toute sa vie ». L’une d’elle explique : « Cela fait trois ans que j’ai avorté et j’en souffre encore ». Et elles regrettent « qu’il n’y a pas de suivi après l’avortement, on n’est pas accompagnée », ou encore « ce délai est trop court et on nous laisse seule face à ce choix, sans réellement nous préparer aux conséquences d’un avortement ».

    Elles racontent combien l’avortement vécu les a meurtries : « Je suis allée au bout du processus d’avortement... Je l’ai regretté aussitôt... Ça fait deux ans... Je ne m’en suis toujours pas remise, je pleure mon enfant que j’ai tué... Je donnerai tout pour revenir en arrière et le garder... »

    « J’ai avorté (…), mais j’ai encore du mal à dormir et pourtant cela fait 3 ans et demi ».

    Au-delà des conséquences psychologiques, toutes les conséquences de l’acte sont-elles toujours évoquées et prises en compte ? Une femme raconte : « Je n’ai eu que 2 jours de réflexion. En septembre 2008, j’ai arrêté la pilule. Je n’arrive plus à tomber enceinte ».

     

    En quête d’une alternative à l’avortement

     

    L’une d’elle raconte : « Lorsque j’attendais dans la salle d’attente de ma gynécologue, une jeune femme dans la même situation que moi a craqué. Je n’oublierai jamais sa détresse et les questions qu’elle se posait (…). J’espère qu’elle a eu ce délai de 7 jours et qu’elle a trouvé une main tendue. Elle voulait garder son enfant et était contrainte d’y renoncer... » Cette main tendue est évoquée par d’autres… qui regrettent de ne pas avoir trouvé de solution pour garder leur bébé : « J’aurais préféré que l’on m’aide à assumer ma grossesse ». « J’ai cherché et tenté de trouver une solution pour ne pas avoir à faire ça ... mais en vain ! »

    Plusieurs évoquent « un sentiment de solitude puisqu’impossible d’en parler à qui que ce soit », « j’attendais juste le moment fatidique, je n’avais personne avec qui en parler... », même en couple : « On se sentait extrêmement seuls ». Ce que la loi Veil se proposait justement d’éviter ?

     

    Un délai qui a permis à certaines de garder leur bébé

     

    A fortiori, l’une d’elle explique que ce délai lui a permis « d’éviter de faire la plus grosse erreur de ma vie », tandis qu’une autre ajoute : « Sans cette réflexion à l’heure d’aujourd’hui je n’aurais pas mon bébé, c’est une longue semaine certes mais pour les femmes qui doutent, elle est importante ! ». Quelques-unes précisent : « Je suis passée de la peur au courage d’assumer et de garder l’enfant ». « Certains membres de ma famille me mettaient la pression. Grâce à ces 7 jours, j’ai trouvé la force de les affronter et de refuser d’avorter. » « J’ai changé d’avis. Après le choc de la nouvelle, cette période m’a permis de revoir la situation et de comprendre qu’il est possible de garder cet enfant. » L’une d’elle semble très démunie par le temps nécessaire pour s’approprier une grossesse : « Car il faut un temps de réflexion pour choisir cette vie qui grandit en nous jour après jour ».

     

    2. L’avis de celles qui s’interrogent ou veulent la suppression de ce délai

    La culpabilité évoquée par celles qui demandent la suppression du délai de réflexion

     

    Celles qui demandent la suppression du délai de réflexion (22 d’entre elles) ne veulent pas faire face à la culpabilité qu’elles ressentent en allant jusqu’à l’avortement : « On se sent déjà assez

    coupable de faire ça », « et nous culpabilisons encore plus », et elles estiment que « ce délai est infantilisant », « une pression supplémentaire », « une obligation irritante » qui « n’a rien changé dans mes choix, du moment où j’ai fait les démarches, c’est que mon choix était sûr ».

    L’une d’elle écrit : « Ces sept jours nous font mourir intérieurement », elle ajoute : « J’ai repris le cours de ma vie une fois l’IVG faite. (…) Je vis chaque jour avec ce que j’ai fait. Mais j’assume ». Tandis qu’une autre raconte : « Ça ne fait qu’empirer la situation, car pendant cette semaine de réflexion, on a un petit coeur qui grandit en nous, et plus on attend, plus il grandit, et plus ça nous fait du mal de le faire partir ». A 19 ans, cette jeune femme choisit de garder son bébé.

     

    Certaines femmes « ne se savent pas »

     

    Celles qui hésitent, elles sont au nombre de 11, estiment que ce délai « provoque beaucoup d’incertitudes, mais permet aussi de ne

    pas prendre une décision trop rapide pour ensuite la regretter ». « Car ça dépend de chaque individu, chacun à sa situation, ou même l’âge, la mentalité,... ». Une femme s’interroge : « Si l’on prend rendez-vous, c’est qu’on ne veut pas de ce bébé, pourquoi en 7 jours tout pourrait  changer ? »

     

    Mais d’autres encore n’ont pas pu bénéficier de ce délai, le regrettent

     

    Si certaines estiment que ce délai est inutile, plusieurs femmes, qui n’ont pas pu en bénéficier expriment leurs regrets : « J’ai eu un rendez-vous pour une ordonnance de prise de sang pour le groupe sanguin et le lendemain, on m’a donné le traitement. Je regrette énormément. J’aurais aimé avoir du temps car c’est très dur. J’aurais pu réfléchir et dire non à ceux qui m’y ont amenée ». Enfin une autre avoue : « Avec le recul, je pense que si j’avais eu le délai légal, je ne l’aurais pas fait ».

    Si l’article 17bis du Projet loi santé est adopté, toutes les femmes

    se trouveront alors dans cette situation.

     

    3/ Décider une IVG : une décision difficile souvent contrainte

     

    La plupart des femmes qui ont répondu au questionnaire disent qu’elles ont avorté : « J’ai choisi de ne pas garder l’enfant qui m’avait pourtant donné tant de joie lorsque j’ai appris sa présence en moi... ». Une décision souvent contrainte : 33 d’entre elles expliquent que l’avortement a été « une réponse douloureuse à une situation sans issue ». Et elles sont 19 à exprimer que cette solution n’était pas la leur, mais « la réponse qui m’était imposée ». Elles racontent : « Sous pression j’ai avorté ». « C’est ma mère qui a décidé l’avortement », « j’ai décidé, à bout de lutte contre le père de l’embryon et ma mère, d’accepter l’Ivg médicamenteuse ». « J’ai été contrainte de subir une IVG médicamenteuse. On m’a imposé de ne pas le garder ». La plus jeune qui a 16 ans se rappelle : « J’ai décidé d’avorter à cause de mes proches car ils me rabaissaient tous en me disant : ‘T’as que 14 ans, tu vas niquer ta vie, t’es encore a l’école et tout’. Mais pour moi dans ma tête, je m’en foutais, j’étais prête à le garder et à assumer ».

    Parfois, les facteurs aggravants se mélangent : « J’ai finalement avorté sous la pression de ma famille et de celle de mon copain lui-même. J’ai beaucoup regretté et je regrette encore mais je n’avais pas vraiment le choix car j’aurais été à la rue et je n’avais pas de moyens financiers ».

     

    Toutes celles qui ont choisi de garder leur bébé partagent une même joie : « Je suis heureuse de ne pas avoir avorté » ou « je ne le regrette pas du tout ». A 18 ans, cette jeune femme raconte : « J’ai finalement gardé mon bébé, et je suis aujourd’hui à 22 semaines et très heureuse ainsi que ma famille. Tout le monde m’avait rejeté, ils sont ensuite revenus sur leur décision, surtout ma mère qui a subit aussi un avortement et qui l’a très mal vécu ».

    Au terme de cette enquête, il apparaît que les femmes sont loin de demander prioritairement des facilités d’accès à l’avortement, en supprimant par exemple le délai de réflexion entre les deux rendez-vous.

    Bon nombre d’entre elles regrettent d’avoir été au bout de la démarche, elles regrettent d’avoir avorté. Elles reposent la seule vraie question qui soit quand une grossesse non désirée s’annonce : comment aider, accompagner ces femmes pour qu’elles puissent accueillir l’enfant qu’elles portent ? 40 ans après le vote de la loi Veil, cette question essentielle, qui était et qui demeure une obligation légale introduite dans la loi, est restée lettre morte et n’a fait l’objet d’aucune proposition politique.

    Lettre 37 rue des Volontaires 75725 Paris cedex 15

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