• CONTE DE NOËL
    (communiqué par une amie alsacienne, avec sa permission… supposée!)

    - CONTE (AUTHENTIQUE) DE NOËL




    Ça m’est arrivé il y a trois ans, pas à Noël mais en février. J’y ai repensé aujourd’hui en lisant la liturgie du jour.
J’avais rendez-vous avec une religieuse dans un couvent un peu perdu dans la montagne, et il y avait, là-haut, beaucoup, beaucoup de neige. Elle m’avait donné de bonnes indications pour trouver le couvent, et tant bien que mal, j’y suis arrivée. Entretien de pure grâce.
L’heure tournait, quand je suis repartie, il était près de 17h, le soir allait tomber et la brume s’insinuait en même temps. Près du couvent, il y avait une vieille ferme, peut-être aussi une ou deux maisons. Et rien d’autre que la forêt, des chemins tout enneigés et des routes en lacets pour regagner la vallée.
Je n’ai pas le sens de l’orientation. Tous ceux qui me connaissent le savent. En quittant le couvent, j’ai dû louper un virage à un moment, et je suis partie dans la mauvaise direction. Avec la neige partout, difficile de voir la différence entre une petite route et un chemin de forêt. Bref, je me suis engagée dans un de ces chemins, montant légèrement, jusqu’à voir que j’étais dans une impasse. Devant moi, la lisière de la forêt et un tracteur abandonné là. Tout autour, la neige. A ma gauche, un petit ruisseau dans un fossé. Impossible de faire demi-tour, c’était trop étroit. Je n’avais plus qu’une solution : faire marche arrière. Et c’était fort périlleux, avec la brume de plus en plus épaisse.
J’y suis allée le plus lentement possible, distinguant très mal le chemin à l’arrière, et cela me fut fatal : je roulais un peu trop à gauche et ma roue arrière est descendue vers le fossé, jusqu’au point où je suis restée bloquée, ne pouvant plus faire ni marche avant, ni marche arrière. Le risque de glisser entièrement dans le ruisseau était réel si je bougeais encore un peu. Je suis sortie de la voiture pour constater ma triste situation. Un grand moment de solitude. La nuit allait tomber, et moi j’étais là, avec ma voiture impossible à bouger, dans une forêt au milieu de nulle part. Que faire ? On rassemble ses idées et on n’en trouve aucune.
    Au bord des larmes, honteuse, je me rassois dans ma voiture.
Soudain, à ma portière, un homme venu vraiment de nulle part.
« Mais qu’est-ce que vous faites là ? »
Il a un accent indéfinissable.
Je balbutie quelques mots, il me devance :
« Je suis chez des amis, je vais vous aider. Est-ce que vous avez un crochet à l’arrière de votre voiture ? »
On fouille dans le coffre, jusqu’à trouver un crochet amovible. Après, je le laisse faire, je ne suis plus à un étonnement près. Il a tout ce qu’il faut : un câble, la clé du tracteur qui est au bout de chemin. Il va le chercher, y attache ma voiture et la tire du fossé. Il m’aide à faire la manœuvre périlleuse pour sortir du chemin. Je le remercie, bien sûr, mais c’est comme si c’était quelqu’un qui n’attendait aucun remerciement. Ambiance étrange de salut et d’évidence. Il m’indique encore la bonne route, et je rentre chez moi le cœur un peu battant mais sans aucun problème.
    Quand, le soir, j’ai raconté l’histoire sur le ton de l’humour sur les réseaux  sociaux, un ami facétieux m’a dit : « C’était un ange. »
Alors ce matin, en lisant cet extrait de la naissance de Samson, j’ai repensé à mon étrange aventure…
    « Un homme de Dieu est venu me trouver ;
il avait l’apparence d’un ange de Dieu
tant il était imposant.
Je ne lui ai pas demandé d’où il venait,
et il ne m’a pas fait connaître son nom. »
Juges 13, 6



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  • HISTOIRES D'AMITIÉ

    - AMITIÉ

     


    Quand Camille a rompu avec son amour de jeunesse, elle a appelé une copine qui lui a dit : « Bien sûr, viens ! » Elle s’est réfugiée chez elle, puis une deuxième et une troisième amie sont arrivées. « Je nous revois encore dans ce salon, à pleurer et à rire autour de quelques verres, raconte-t-elle, près de quinze ans plus tard. On a fini par aller se coucher et je me souviens que j’avais un sourire aux lèvres : je me sentais à la fois épuisée et un peu plus légère. L’amitié, c’est ce qui reste quand tout le reste fout le camp. »
    Cette définition se vérifie au fil des études. En septembre dernier, l’enquête des petits frères des Pauvres sur « la solitude et l’isolement des plus de 60 ans »(1) retenait trois « bonnes nouvelles » dans un tableau globalement sombre. Première d’entre elles : l’amitié se révélait être le « cercle relationnel » qui « résiste » le mieux avec « 86 % des personnes de plus de 85 ans qui voient ou sont en contact à distance avec leurs amis au moins plusieurs fois par mois ».
    Une découverte qualifiée d’« extrêmement surprenante » : alors que les relations s’étiolent avec l’âge – parce que la mobilité est moindre, parce que la santé faiblit –, les liens familiaux auraient pu être les plus résistants… Mais non. « Alors que la famille peut avoir tendance à reléguer la personne à son statut de personne âgée, l’ami, lui, nous conforte dans notre identité », explique Danièle Brun, psychologue et psychanalyste.
    Il nous prend tel qu’on est, « sans tenir compte du statut social, riche ou pauvre, jeune ou vieux » : « L’amitié est une relation très ancienne, la première après celle nouée avec les parents, une relation qui émancipe, révèle, et dont on attend qu’elle traverse tous les événements de la vie, qu’elle soit à toute épreuve, poursuit-elle. Elle représente un espoir. »
    L’amitié est ainsi considérée comme une valeur fondamentale. « Plus d’une personne sur deux lui accorde une place centrale en France », notait en 2016 une étude de la Fondation de France sur les solitudes en France(2), précisant que c’était plus « qu’en Allemagne, en Italie ou Espagne ». La Croix [11]
    Elle est néanmoins une valeur partagée par nos voisins européens : une étude de la Commission européenne montrait, en 2012, qu’elle était la cinquième valeur la plus importante, derrière la santé et l’amour mais devant la paix, la liberté et le plaisir(3).
    le regard de Stéphanie Tétu
    Dans un contexte de crise, l’amitié est aussi une valeur refuge. « Notre société est actuellement en recherche de sécurité, analyse le psychologue Daniel Coum. Avec la mutation des liens familiaux et conjugaux, on a gagné en liberté mais on a perdu en sécurité. Dans ce contexte, l’amitié a quelque chose d’intemporel : elle est moins soumise aux variations culturelles de la société. » On attend ainsi de l’amitié qu’elle soit au-dessus des ruptures de la vie et de l’amour. « L’amitié est en quelque sorte une sublimation de l’amour dans la mesure où elle implique un consentement à renoncer à la captation de l’autre pour soi, poursuit Daniel Coum. Dans l’amour, il y a une dimension narcissique plus intense. En amitié, on consent à ce que l’autre ne nous appartienne pas. » [12] La Croix
    L’amitié serait finalement un lien aussi fort qu’il est souple. « Il y a des amis que l’on peut ne pas voir pendant des mois et pourtant, quand on les retrouve, c’est comme si on ne s’était jamais quittés », relève Martin, dont plusieurs amis de longue date vivent désormais à l’étranger. Un constat confirmé par l’étude de la Fondation de France : « Ces liens souples, choisis, que l’on peut poursuivre dans le temps sans que des pauses ponctuelles ne les remettent en cause et qui s’appuient sur une proximité de valeurs ou de vécu, rejoignent beaucoup les aspirations et valeurs de nos concitoyens. »
    Reste qu’au-delà de la « valeur amitié », les relations amicales, elles, méritent qu’on les entretienne. « Parce qu’on attend autant de l’amitié, les ruptures amicales, notamment quand on ne partage plus les valeurs et centres d’intérêt qui ont fondé la relation à ses débuts, peuvent être particulièrement radicales, prévient Danièle Brun. L’amitié est un lien exigeant et qui n’a rien d’un long fleuve tranquille ! »
    Flore Thomasset
    (1) Enquête des petits frères des Pauvres réalisée par le CSA auprès d’un échantillon représentatif, selon la méthode des quotas.
    (2) Crédoc, Enquête « Conditions de vie et aspirations », étude pour la Fondation de France, 2016.
    (3) Étude réalisée par TNS Opinion & Social à la demande de la Commission européenne, mai 2012.
    le mot mon ami
    par Jean Pruvost
    Amitié concaténée…
    Si le mot amistet fait son apparition au XIe siècle, avec quelques variantes avant d’être fixé définitivement en « amitié » à la fin du XVIe siècle, il va vite attirer l’attention des lettrés. Ainsi, Maurice de La Porte, auteur en 1571 des Épithètes – un dictionnaire des adjectifs à installer derrière quelques noms choisis pour les poètes – ouvre sans hésiter un article au mot « amitié ». Combien d’épithètes propose-t-il ? Quarante-quatre ! Voici les premiers : Amitié cordiale, vraie, heureuse, privée, immuable, sainte, cimentée, divine… Mais aussi contre-aimée, qui s’oppose à la précédente épithète, « mutuelle ». Sans oublier, disparues de l’usage, l’amitié pyladéanne, Pylade étant l’ami fidèle par excellence dans la tragédie grecque, et l’amitié concaténée, par enchaînement. Les amis de mes amis sont…La Croix [13]
    Au bout du fil, une écoute bienveillante
    Ceux qui n’ont personne à qui confier leur détresse peuvent se tourner vers des associations comme SOS Amitié.
    Ils ne savent pas avec qui partager leur détresse. Mais, ils ne sont pas tout à fait seuls. Ils peuvent se confier aux bénévoles de Suicide Écoute, SOS Chrétiens à l’écoute, SOS Suicide Phénix, Agri’écoute ou SOS Amitié. Cette dernière association regroupe à elle seule 1 600 « écoutants », spécialement formés. « Mais nous ne sommes pas des thérapeutes », rappelle Alain Mathiot, le président de SOS Amitié. Si « l’écoute par écrit » s’est développée sur Internet, l’usage du téléphone reste très majoritaire dans ce type d’échange. « Depuis notre création, en 1960, les fondements même de notre écoute n’ont pas changé, poursuit le responsable associatif. C’est une écoute bienveillante et sans a priori, ni jugement et conseil, qui respecte strictement l’anonymat et la confidentialité. »
    Depuis dix ans, les appels ont fortement augmenté sur les lignes de SOS Amitié, pour atteindre les 700 000 par an. « Nous sommes un miroir de la France qui souffre », constate Alain Mathiot. « Ce n’est pas vraiment de l’amitié, on reste parfaitement inconnu l’un à l’autre, on ne se lie pas, observe de son côté Romain Huët, maître de conférences à l’université de Rennes 2, qui étudie ces dispositifs d’écoute. C’est un lieu de soutien, de l’urgence. On desserre l’angoisse. Mais on sent que cette souffrance est une matière explosive. »
    Pour l’universitaire, écouter revient d’ailleurs aussi à gérer « un potentiel agressif ». « L’écoute est une forme de gouvernement de la personne, souligne-t-il. Je me demande dans quelle mesure ce genre de dispositif n’incite pas à individualiser la souffrance, pour la vider de tout sens politique. Il y a, me semble-t-il, un excès de psychologisation et une incitation à l’accommodement à la vie qu’on mène. »
    Mais Alain Mathiot croit en l’utilité d’associations comme la sienne. « Souvent les gens qui nous appellent sont déjà passés par d’autres structures, rappelle-t-il. Comme nous fonctionnons 24 heures sur 24, nous sommes le dernier recours. L’idée est d’arriver à ce que les gens qui vont très mal arrivent à se reprendre un petit peu en main. Cela ne marche pas toujours. Mais c’est quand même notre objectif. »
    (La Croix)


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  • S. Joseph et le mystère «de la re-Création»


    Homélie du pape François


    Messe à Sainte-Marthe, 18/12/2017 © L'Osservatore Romano

    Homélie Papale sur St Joseph


    Saint Joseph est l’homme qui « prend en main » le mystère, a expliqué le pape François, le mystère de « reconduire le peuple à Dieu», le mystère « de la re-Création », qui, comme le dit la liturgie, est « plus merveilleuse que la Création ».
    Le pape François a appelé à s’inspirer de Joseph qui savait « comment cheminer dans l’obscurité » et « comment on avance en silence » au cours de son homélie prononcée en la chapelle de la Maison Sainte-Marthe, au Vatican, ce lundi matin 18 décembre 2017, indique Radio Vatican en italien.
    Joseph, rappelle le pape en commentant l’Évangile de Matthieu, « s’est chargé » aussi « d’une paternité qui n’était pas la sienne : elle est venue du Père ». Il a pris donc en charge « deux choses : la paternité et le mystère ».
    « Joseph, explique le pape François, prend en main ce mystère et aide : par son silence, par son travail jusqu’au moment où Dieu le rappelle à lui. »
    « De cet homme, poursuit-il, qui a pris en charge la paternité et le mystère, on dit qu’il était l’ombre du Père : l’ombre de Dieu le Père. Et si Jésus homme a appris à dire « papa », « père », à son Père qu’il connaissait comme Dieu, il l’a appris de la vie, du témoignage de Joseph : l’homme qui garde, l’homme qui fait grandir, l’homme qui porte en avant toute paternité et tout mystère, mais ne prend rien pour lui-même ».
    Joseph, poursuit le pape, « a porté en avant la paternité avec ce que cela signifie : non seulement soutenir Marie et l’enfant, mais aussi faire grandir l’enfant, lui enseigner le métier, le porter à la maturité d’homme ». « Et ceci, sans dire un mot, note le pape. Dans l’Évangile il n’y a aucune parole dite par Joseph. L’homme du silence, de l’obéissance silencieuse. »
    Pourtant, rappelle le pape, ce n’était pas facile pour Joseph d’accepter la maternité de Marie. Il a éprouvé de la « douleur », de la « souffrance ». Mais quand « intervient le Seigneur », avec un ange qui lui a expliqué dans un songe que l’enfant « engendré en elle » était venu « de l’Esprit Saint », Joseph a « cru et il a obéi ».
    « Joseph menait une lutte intérieure », explique le pape, « dans ce combat » il a entendu « la voix de Dieu : « Mais lève-toi ! » « Ce « lève-toi », poursuit le pape, a été prononcé « tant de fois, au début d’une mission, dans la Bible » : « Lève-toi ! Prends Marie, amène-la chez toi. Prends la situation en charge : prends cette situation en main et va de l’avant. »
    « Joseph n’est pas allé chez ses amis pour se réconforter, précise le pape, il n’est pas allé voir le psychiatre pour interpréter le songe … non : il a cru. Il est allé de l’avant. Il a pris la situation en mains. »
    Voilà, conclut le pape François, « le grand Joseph », dont Dieu avait besoin pour porter en avant « le mystère de reconduire le peuple vers la nouvelle Création ».
    (Zenit)


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  •       JEAN D’ORMESSON : UN AGNOSTIQUE PAS SI AGNOSTIQUE QUE CELA!

    - D'ORMESSON AGNOSTIQUE?




    Jean d'Ormesson : "Je mourrai catholique"
    Jean d'Ormesson est mort, dans la nuit du lundi 4 au mardi 5 décembre, d'une crise cardiaque. Il avait 92 ans. A la sortie de son ouvrage, C'est une chose étrange à la fin que le monde, Pèlerin l'avait rencontré. L'académicien se questionnait alors sur le sens de la vie et s’interrogeait sur le rôle de Dieu.

    Pèlerin : Pourquoi vous être lancé dans l’'écriture de C'est une chose étrange à la fin que le monde (1), ce que vous appelez un « roman de l’'Univers » ? 
Jean d'Ormesson : Parce que je ressens, depuis toujours, comme une stupeur d'exister. Déjà, lorsque j'étais enfant, je m'arrêtais parfois de jouer en me disant : « Mais qu'est-ce que je fais là ? »
    Et puis, il y a cinq ans, un jour d'été, je me baignais dans la Méditerranée quand soudain, en sortant de l'eau, j'ai été envahi par un sentiment d'émerveillement, un vertige. Pourquoi le soleil ? Pourquoi la mer ? Pourquoi les rochers ? Dès lors, j'ai eu l'idée d'un roman qui traduirait cet étonnement d'être au monde.
    Avec une interrogation qui revient au fil des pages : pourquoi y a-t-il quelque chose, au lieu de rien ? 
Oui, car cette stupeur d'exister pousse à se demander d'où l'on vient et où l'on va. Des questions éternelles. J'ai donc voulu raconter, de manière simplifiée, de Copernic à Einstein en passant par Galilée et Hawking, comment les sciences ont progressivement permis d'expliquer la création du monde.
    Aujourd'hui, les chercheurs pensent - même si cette théorie reste une hypothèse - qu'il y a 13,7 milliards d'années, le big bang, l'explosion originelle, a donné naissance à l'univers. Soit. Mais surgit alors une nouvelle question : avant le big bang, qu'y avait-il ? Le néant ? Ou bien autre chose qui nous dépasse ?
    Autre chose, c'’est-à-dire… Dieu ? Vous croyez donc en son existence ? 
Je suis né dans une famille très catholique, je mourrai catholique. Mais je dois avouer que je ne sais pas. J'espère que Dieu existe. Je côtoie tous les jours, d'un côté, des personnes persuadées que c'est le cas : Chateaubriand, Claudel, Péguy...
    De l'autre, des personnes convaincues du contraire : Marx, Sartre... Dans les deux cas, impossible d'obtenir la moindre preuve. J'aimerais y croire. Souvent j'en doute. Je doute de Dieu parce que j'y crois. Je crois en Dieu parce que j'en doute. Disons que... je doute en Dieu. Je me résous donc à ne pas choisir et me range dans le camp des agnostiques.
    Votre roman parle du temps qui passe et de la mort, que vous évoquez avec un mélange de fatalisme et de malice. Vous écrivez : « Nous ne mourrons pas. Nous mourons, à chaque instant de notre vie. » Comment l’'agnostique que vous êtes envisage-t-il l'’« après » ? 
La mort est un thème qui m'a toujours travaillé. Avoir fêté mes 85 ans cette année ne rend pas le sujet plus urgent à mes yeux. Mais le temps qui file m'obsède. La mort ne me fait pas peur.
    Elle vous libère des contingences du quotidien, de la souffrance. C'est mourir qui est contrariant. Que dire alors ? Qu'il est possible qu'il n'y ait rien après. Il est possible que notre existence ne soit qu'une parenthèse entre deux néants. Ça m'étonnerait.
    Je crois que la vie a un sens, qui ne saurait être stoppé par notre disparition. Je crois que la justice et la vérité, si souvent contrariées ici bas, doivent bien exister quelque part.
    Pour un agnostique, vous avez de belles certitudes… ...
Effectivement. Mon espérance en Dieu est si forte qu'elle s'apparente presque à de la foi.
    Êtes-vous satisfait de votre vie ? 
Oui, jusqu'ici, elle a été épatante. J'ai eu de la chance. Grâce à mon père diplomate, j'ai voyagé, j'ai bénéficié d'un grand confort matériel et intellectuel. J'ai été très aimé. Au début de ma carrière, je me suis même demandé si ce n'était pas un handicap pour devenir auteur.
    Il semble que les bons sentiments ne fassent pas toujours de la bonne littérature. Le drame, le cynisme, les larmes, ont donné tant de chefs-d'œœuvre.
    Cette aptitude à la joie vous a valu le qualificatif d'’« écrivain du bonheur ». Ce surnom vous convient-il ? 
Je me le suis longtemps attribué. Je m'émerveille facilement. Je peux m'extasier devant un coucher de soleil. J'aime la vie. Pourtant, je suis lucide et je vois que la société va mal.
    Les histoires d'amour ne durent pas, les gens perdent leur travail. Il y a la violence, la guerre, la maladie... Certes, le monde est sinistre. Mais vivre, vivre ! Cela reste un cadeau !
    Qu’'aimeriez-vous que Dieu vous dise lorsque vous arriverez devant lui ? 
« Je te pardonne. » Qu'espérer de plus ? Je songe souvent à cette hypothétique rencontre. Décidément, il m'occupe beaucoup, ce Dieu dont j'ignore pourtant s'il existe vraiment.
    Si, à votre mort, on vous proposait de tout recommencer… ?
Hors de question ! Une vie suffit, quand elle a été pleine. La pire des punitions pour l'homme serait d'être immortel.
    Pourtant, vous l’'êtes un peu… Les académiciens ne sont-ils pas surnommés les Immortels ? 
Cocteau affirmait avec justesse : « Nous sommes immortels le temps de notre vie. Ensuite, nous nous transformons en fauteuil. » Néanmoins, il est vrai qu'il existe deux manières de laisser sa trace dans l'histoire.
    Faire des enfants et réaliser une œuvre. Je serais heureux d'être encore lu dans cinquante ans. Je reçois des lettres charmantes, si nombreuses que je suis débordé. D'année en année, mon lectorat rajeunit, ce qui me ravit. Même si je sais que ce n'est pas uniquement dû à mon style, mais parce que je passe à la radio, à la télévision.
    Parce que je cabotine. Ma mère m'a inculqué trois principes : « Tout courrier mérite réponse », « Ne te fais pas remarquer » et « Ne parle pas de toi »... Voyez comme c'est réussi !
    Justement, la famille de votre mère était très conservatrice. Votre père, plus libéral et ancré à gauche. Qu’avez-vous gardé de ce mélange ? 
Mon père a été nommé ambassadeur par le Front populaire. Au sein de ma famille maternelle, Léon Blum était considéré comme un gauchiste. À l'inverse, il était traité de bourgeois par mes camarades de promo à l'École normale supérieure.
    Il faut dire qu'ils étaient tous trotskystes. Bref, tout cela m'a appris la tolérance. Peut-être ai-je d'ailleurs poussé ce sentiment un peu trop loin : je suis très influençable. Du genre à penser que mes adversaires ont plus raison que moi. C'est entre autres pour cela que je n'ai pas fait de politique.
    Vous avez une petite-fille de 15 ans. Quel grand-père êtes-vous ? 
Sans me vanter, le meilleur ! Alors que, objectivement, je n'ai pas été un bon père. Ma fille Héloïse, devenue depuis éditrice, a été entièrement élevée par sa mère. Je n'étais jamais là. C'est formidable, les petits-enfants ! Vous n'êtes responsables de rien. Vous n'avez qu'à les aimer. Et j'aime beaucoup Marie-Sarah.
    Avez-vous réussi à lui transmettre votre fameuse capacité d’émerveillement ? 
En ce moment, elle s'émerveille surtout sur les fringues et la mode, comme beaucoup d'adolescentes de son âge. Elle a bien le temps pour les questions métaphysiques. Moi-même, je n'y suis venu qu'assez tard.
    Noël approche. Est-ce une période importante pour vous ? 
Cette fête m'évoque de délicieux souvenirs d'enfance. Des balades en traîneaux, sous la neige, dans la campagne roumaine, à l'époque où mon père y était en poste. Nous balancions des morceaux de viande autour de nous, pour éloigner les loups !
    D'un point de vue plus spirituel, c'est aussi une fête qui me passionne parce qu'elle rappelle cette idée qui n'est présente que dans le christianisme : l'incarnation ! Un Dieu qui se fait homme parmi les hommes.

    (1) Éditions Robert Laffont, 313 p. ; 21 €.


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  • Le grand académicien, auteur de 40 livres, ex-directeur du Figaro... connu de tous les Français pour son sourire, ses beaux yeux bleus, son humour... nous a quittés la nuit dernière, à 92 ans.

    Voici ce qu'en dit "OUEST FRANCE":

    JEAN D'ORMESSON


    1/Dieu, l'amour, le bonheur... Jean d'Ormesson en dix citations

    Il a joué avec les mots et la vie pendant toute sa vie. L'écrivain aux quarante livres nous a laissé quelques formules  qui resteront.
    Des mots et même des bons mots. Une éloquence incomparable. Jean d'Ormesson, décédé à 92 ans, s'est amusé toute sa vie. Au fil de ses romans et de ses interviews, l'académicien s'est livré avec malice et talent. Voici dix de ses meilleures citations.


    2/Dieu

    S'interrogeant sur le sens de la vie, l'écrivain s'est aussi penché sur le cas de Dieu, se déclarant à la fois « catholique » et « agnostique ». Deux citations résument son rapport au seigneur :
    « Je doute de Dieu parce que j'y crois. Je crois en Dieu parce que j'en doute. »
    « Je trouve que si Dieu n'existe pas, la vie est une farce tellement tragique qu'il faut espérer à tout prix qu'il existe. »


    3/Amour


    Dans Dieu, sa vie, son oeuvre, fable sur les origines du monde, publié chez Gallimard, en 1980, Jean d'O parlait bien sûr d'amour : « Rien n'est plus proche de l'absolu qu'un amour en train de naître. »

    4/Mariage

    Invité de l'émission Double Jeu de Thierry Ardisson, en 1992, Jean d'Ormesson s'était payé une institution : « Le mariage est une épreuve redoutable... un cauchemar. » Tout en prenant soin de remercier son épouse, Françoise, de l'avoir « supporté » si longtemps.

    5/Plaisirs

    L'éternité ou un jour ? Extrait de Voyez comme on danse (2001, Robert Laffont) : « Il y a des jours, des mois, des années interminables où il ne se passe presque rien. Il y a des minutes et des secondes qui contiennent tout un monde. » 
    Buller serait le secret de la longévité de l'homme aux yeux clairs ? « La paresse, rien de plus clair, est la mère des chefs-d’œuvre. »
    Confidence extraite de son premier roman, L'Amour est un plaisir (1956, Julliard ) : « C’est ça qui me fait peur dans le bonheur : l’usure, la lassitude, l’effilochage. »


    6/Argent


    Evoquant son père pour qui « détestait » gagner de l'argent, Jean d'Ormesson reformulait à sa manière un célèbre proverbe, dans un entretien avec Pierre Desgraupes, en 1959 : « L'argent fait le bonheur de ceux qui n'en ont pas ».
    (Source: Ouest-France)

     


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