• NUIT NOIRE

     

    Nuit Noire
    Florane

     

    NUIT NOIRE


    La nuit noire était tombée sur la ville et les milliers de crapauds au loin se répondaient, indifférents aux coups de feu et aux cris d’horreur dans le voisinage.
Assise sur ses talons, en appui contre la cloison du cabanon, Takonou caressait, le visage de Yobo, sa fille de cinq ans. L’obscurité était parfois zébrée par l’éclat d’un phare de véhicule de patrouille. La lueur s’immisçait entre les battants de la porte. Yobo apercevait alors le visage tuméfié de sa mère.
— Pourquoi les messieurs soldats t’ont fait mal, maman ?
Takonou tenta de sourire mais ses lèvres éclatées des coups reçus le lui interdisaient.
— Car ils étaient fâchés, ma chérie.
— Parce que tu ne voulais pas faire dodo ?
Tanakou essuya une larme qui coula sur sa joue. Son bas ventre lui faisait très mal, meurtri par les assauts bestiaux qu’elle avait dû endurer tout au long de l’après-midi.
— Maintenant, ils se sont calmés. Il ne faut pas t’inquiéter mon petit amour, maman est là.
— Pourquoi les messieurs soldats ont amené papa ?
La jeune mère frissonna en repensant au regard tendre que lui avait lancé son bien-aimé Faki, avant d’être poussé brutalement dans un pick-up. Elle se demanda combien de temps il avait enduré son supplice avant de succomber.
— Ils l’ont amené faire un tour en voiture, dit-elle d’une voix étranglée. Tu sais comme ton papa voudrait en avoir une.
— Oh oui ! Quand il va revenir, il me racontera, tu crois ?
— J’en suis sûre, mon amour.
Takonou retint une énorme envie de pleurer. Elle serra sa fille contre sa robe déchirée.
Un véhicule arriva rapidement et stoppa devant la maison. Il y eu des portières claquées, des bruits de pas dans la maison, des paroles lancées dans une langue quelle connaissait bien : celle du peuple de Faki.
— Les messieurs soldats vont venir, mon cœur. Il ne faut pas avoir peur. Il faudra bien que tu fasses tout ce qu’ils disent. Il ne faut pas les fâcher.
Les pas se rapprochèrent, une main déverrouilla la porte. L’éclat d’une Maglite les aveugla. Des doigts lui broyèrent le haut du bras quand Takonou fut relevée brutalement.
— Amène-toi roulure ! Avec ton avorton. Tu as un nouveau client.
Les deux captives furent poussées dans la pièce principale de l’habitat traditionnel Kimbawé. Cinq soldats occupaient l’espace, deux étaient vautrés sur le canapé. Les autres demeuraient debout, l’air mauvais. L’un d’eux portait un uniforme d’officier et avait un pistolet à la ceinture.
— C’est toi, la femme de Faki Gowo ?, dit-il.
— Je le suis, répondit Takonou d’une voix faible.
— Et ça, c’est sa bâtarde ?, ajouta-t-il en désignant Yobo.
— Elle est sa fille.
L’homme s’approcha de Takonou et la gifla très brutalement. La jeune femme s’écroula sur le plancher alors que Yobo pleurait et les hommes riaient.
— Elle est sa bâtarde ! Pas sa fille ! Commence pas à me contredire. Une sale Djoubé avec un Hawa, ça ne peut faire qu’un bâtard. Lève-toi quand je te parle !
Takonou se releva péniblement, ses plaies aux lèvres s’était ré-ouvertes et du sang coulait de sa bouche. Elle serra Yobo contre ses jambes.
— Que tu es laide !, se moqua l’homme en dévisageant la jeune mère très proche de son visage boursoufflé. Comment un Hawa a-t-il pu épouser ça ! L’aurais-tu ensorcelé ?
Il sentit la robe et eut un geste de dégoût.
— Tu pues ! C’est comme une odeur de sang mêlé à de la luxure. Tu me dégoûtes. Déshabille-toi !
Takonou tressaillit. Les autres hommes lui jetèrent des regards lubriques. Elle hésita. L’homme plongea son regard dans ses yeux effrayés.
— Tu sais qui je suis ?, dit-il. On me surnomme le Général Cutter. Et tu sais pourquoi ?
Il tira de sa poche, un énorme cutter dont il fit coulisser la lame laquée de sang séché. Il la promena sous les yeux horrifiés de Takonou. Les hommes s’enthousiasmèrent à l’idée de ce qui allait suivre.
— A poil, vite ! Où je m’occupe d’elle !, hurla-t-il en désignant Yobo qui se mit à hurler.
Takonou fit rapidement glisser sa robe au sol. Elle était nue ; ses sous-vêtements arrachés lors de ses précédents supplices. L’homme avisa le corps parfait de la jeune femme et siffla d’admiration.
— Tu es sacrément bien fichue pour une Djoubé. Tu fais honneur à ta sous-race. Dommage que vous soyez tous des chiens !
L’homme se pencha sur Yobo et prit une voix douce pour parler à l’enfant tétanisé.
— Tu aimes les chiens ?
Yobo ne répondit pas. Les yeux apeurés. L’homme sembla perdre patience.
— Je t’ai demandé si tu aimes les chiens ? 
Il saisit une des nombreuses tresses qui ornaient la tête de l’enfant et la coupa avec son cutter.
— Il faut que tu répondes à Monsieur Général, mon cœur, dit Takonou d’une voix étranglée. Tu dois toujours faire ce qu’il te demande.
Yobo fit oui de la tête.
— Voilà qui est mieux. Tu aimerais avoir un petit chien ?
Yobo abandonna ses craintes devant cette perspective.
--Oh oui, Monsieur Général !, répondit-elle avec envie.
— Tu entends ?, fit-il à Takonou. A quatre pattes ! Vite !
Il lui asséna un violent coup à la nuque. La jeune femme s’abattit sur le sol. Il la releva par les cheveux sous les rires des soldats. Il s’adressa à Yobo, jovial.
— Regarde, petite bâtarde, quel beau chien tu as là !
Il se pencha dans le bas du dos de Takonou :
— Il semblerait que ce soit une chienne.
Les hommes exultèrent de cette mauvaise blague. Il donna un violent coup de pied dans les fesses de sa victime en lui arrachant un cri de douleur.
— Vas-y ! Marche en faisant des ronds et aboie un peu pour voir.
Alors Takonou, des larmes plein les yeux, se mit à imiter des aboiements en décrivant des cercles à quatre pattes sous les railleries des soldats. Yobo marchait à ses cotés en pleurant. Mais le général n’était pas satisfait.
— Non, ça ne va pas ça ! Il lui manque quelque chose pour en faire un chien !
Il s’empara d’un balai dont il cassa le manche au trois quart. Il attrapa Takonou par les cheveux et tira sa tête en arrière.
— Tu le préfères par le bout rond ou par le bout pointu ?
La jeune femme roula des yeux horrifiés et se mit à respirer très vite.
— Réponds ! Vite ! 
— Le bout rond ! Le bout rond !, dit-elle dans un flot de sanglots.
L’homme rit sadiquement présentant le manche à ses hommes.
— Perdu ! Tu auras le coté pointu !
Et d’un geste brusque et rapide, il enficha profondément la tige acérée dans le rectum de sa victime, déchirant ses chairs. Takonou hurla de douleur. Une brûlure insupportable envahit son bas ventre tandis qu’un flot de sang s’écoulait de son intimité. Elle s’effondra, la respiration coupée, sur le point de perdre conscience. Dans un lointain brouhaha de rires et d’applaudissements, elle reconnu Yobo l’appeler à travers des torrents de sanglots. L’homme la releva par les cheveux et la remit à quatre pattes. Puis il arracha le cordon d’un rideau, en fit un nœud autour du cou de sa victime et tendit la laisse improvisée à Yobo.
— Allez, promène ton chien ! Je veux voir si sa queue remue.
Takonou respirait fort. La douleur intense ne faiblissait pas et son sang continuait à se répandre. Elle fit un pas et s’effondra sur ses avant bras. L’homme la prit encore par les cheveux.
— Oh ! Oh !, fit-il. Voilà un chien bien mal en point.
Il tira son arme de son étui, l’arma et la mit dans la main de la fillette.
— Il ne faut pas laisser souffrir cette pauvre bête. C’est ton chien, c’est à toi de le faire.
Yobo regarda l’homme d’un air interrogateur, ne pouvant comprendre ses propos. Alors l’homme empoigna la petite main armée et la dirigea contre la tempe de sa mère. Il lui plaça ses petits doigts sur la détente.
— Appui !, ordonna-t-il. Sinon, je te saigne toi aussi.
Mais Yobo était tétanisée.
— Tu dois faire ce que le Monsieur Général te dit, articula Takonou dans un dernier souffle. Maman t’aime très fort.
La détonation se perdit parmi celles qui résonnaient partout dans la noirceur de la nuit.
— Qu’est-ce qu’on en fait ?, demanda un soldat à son chef en désignant Yobo tétanisée devant sa mère baignant dans le sang.
L’homme sortit à nouveau sa lame.
— Les chiens ne font pas des chats !

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