• - JEANNE 2015

                                 JEANNE 2015 (Inès)

     

    Homélie pour la fête de Sainte Jeanne d’Arc 2015

    Vendredi 08 Mai 2015 , par Mgr Souchu, Evêque auxiliaire de Rennes

     

    Frères et Sœurs,
     

    Nous sommes redevables à Mgr Jacques Blaquart, Evêque d’Orléans, notre « frère Jacques », d’avoir invité cette année aux fêtes de Sainte Jeanne d’Arc les Evêques originaires d’Orléans et vous savez que leur nombre ne cesse d’augmenter ! Ceci me donne de parler devant l’un de mes maîtres, Mgr François Maupu, Evêque émérite de Verdun, plus proche bien sûr que moi de la Lorraine natale de Jeanne d’Arc, ayant eu sur le territoire de son diocèse la ville de Vaucouleurs où Jeanne est venue chercher le renfort nécessaire d’hommes auprès de Robert de Baudricourt pour commencer sa chevauchée. Je pense bien sûr à Mgr Jean-Marc Eychenne, Evêque de Pamiers qui préside cette célébration, et troisième vicaire général de suite du diocèse d’Orléans appelé à l’épiscopat ! Je pense également à Mgr René Dupont, Evêque émérite d’Andong en Corée, originaire de Saint-Jean-le-Blanc, ville traversée par Jeanne d’Arc durant sa chevauchée, et qui nous fait la joie d’être également parmi nous. Permettez-moi de faire mention de Mgr Luc Crépy, Evêque du Puy-en-Velay, qui a été supérieur du séminaire interdiocésain d’Orléans durant 11 ans en deux périodes.

    Ainsi, ma proximité avec Jeanne d’Arc est-elle davantage liée au fait que j’ai été prêtre du diocèse d’Orléans plus qu’à celle d’être Evêque auxiliaire de Rennes. Le duché de Bretagne se trouve engagé dans la guerre de Cent ans en 1341 lorsque le duc Jean III meurt sans héritier. Deux prétendants s’opposent : un soutenu par le roi de France, l’autre par le roi d’Angleterre. Le second traité de Guérande en 1381 impose la neutralité du duché de Bretagne dans la guerre entre anglais et français. Je suis assez frappé que l’on puisse trouver dans la plupart des églises du diocèse de Rennes, Dol et Saint-Malo, une statue de Jeanne d’Arc. Sans doute est-ce un écho du patriotisme lié aux dates de la Béatification de la Pucelle d’Orléans en 1909 et à celle de sa canonisation en 1920, sans compter bien sûr qu’entre les deux, s’est déroulée la Première guerre mondiale. Nous avons bien conscience que nous sommes dans la première année de la commémoration du centenaire de cette horrible guerre et que nous célébrons aujourd’hui le 70ème anniversaire de l’armistice du 8 Mai 1945.

    Il n’échappe à personne de ceux qui me connaissent que j’ai spirituellement grandi à l’ombre de cette cathédrale où j’ai été confirmé et où j’ai été ordonné prêtre. Sainte Jeanne d’Arc n’a connu de cette cathédrale que les chapelles absidiales du 13° siècle, et le chœur gothique. Ceci me vaut le privilège de vous partager un secret qui n’existe dans cette cathédrale que depuis le tout début du XXI° siècle. En effet, depuis ce temps s’affrontent quotidiennement les léopards et le cheval. Cet affrontement a été celui de Sainte Jeanne d’Arc. Cet affrontement, frères et sœurs, est le nôtre au quotidien de nos vies, surtout peut-être si nous exerçons des responsabilités au plan civil, militaire, judiciaire, familial, ecclésial et social, comme nous le représentons aujourd’hui.

    En effet, du côté du transept nord de cette cathédrale a été érigée une chapelle dédiée à Sainte Jeanne d’Arc. Dans cette chapelle trône un monument à la gloire de Jeanne d’Arc tenant son étendard et portée par deux léopards héraldiques anglais. Jeanne est donc portée par le symbole de ce qu’elle a combattu. Ce monument a été réalisé en 1912. Afin de remplacer les vitraux de l’abside détruits durant les bombardements de la seconde guerre mondiale, le vitrail de cette chapelle a été inauguré en l’an 2000. Ce vitrail représente le cheval de Jeanne d’Arc. C’est sur ce cheval que Jeanne a pu avancer dans sa chevauchée vers Orléans. C’est lui qui n’a cessé de la porter comme il le fait encore pour la jeune fille qui représente Jeanne d’Arc, Inès, accompagnée de ses pages Guillaume et Amaury, au cours des fêtes commémoratives depuis le 29 avril jusqu’à ce jour le 8 mai.

    Cet affrontement entre les léopards que l’on combat et qui nous portent et le cheval sur lequel nous avançons et qui nous permet de cavaler, d’aller de l’avant, cet affrontement, frères et sœurs, est bien encore le nôtre aujourd’hui dans nos vies personnelles, dans notre société, dans notre vie chrétienne. Je voudrais ce matin le montrer au sujet de deux aspects de la vie de Sainte Jeanne d’Arc : le risque et le bonheur. Dans les textes de l’Ecriture Sainte qui viennent d’être proclamés nous retrouvons ces deux aspects : le risque pour celui qui accepte de prendre sa croix afin de suivre le Christ (et nous voyons bien dans l’actualité de notre monde ce que cela signifie) et le bonheur promis à celui-ci qui se laisse guider par la Sagesse, sachant que ceux qui sont appelés par Dieu sont considérés comme fous dans le monde pour couvrir de confusion les sages, nous rappelle la première lettre de Saint Paul aux Corinthiens.

                Le risque : Sainte Jeanne d’Arc a pris des risques pour délivrer Orléans, occupé depuis le 12 Octobre 1428 par les troupes du roi d’Angleterre, et tracer ainsi la route du sacre du roi de France Charles VII à Reims le 17 juillet 1429, par l’archevêque de l’époque, Regnault de Chartres, qui deviendra lui-même, dix ans plus tard, en 1439, Evêque d’Orléans et cardinal jusqu’à sa mort en 1444.

    Le risque est une dimension qui appartient à l’existence humaine et donc aussi à l’acte de foi. En raison de la technique qui devient de plus en plus une assurance, une mentalité sécuritaire a surgi qui prétend éliminer l’idée du risque. Ne parle-t-on pas d’une assurance tous risques ! C’est bien l’absence de risque, par surprotection, qui constitue le plus grand risque. La foi, dont Jeanne d’Arc nous est donnée en exemple aujourd’hui, et vous savez qu’elle n’a pas été canonisée par l’Eglise comme martyre (sinon nous aurions revêtu les ornements liturgiques de couleur rouge), mais comme vierge, comme l’indique la fleur de lys sur ce fameux monument, la foi n’est-elle pas le lieu d’une assurance et d’une certitude de la confiance qui ne peuvent laisser place à l’incertitude ? Guidée d’abord par ses voix à Domrémy, puis par l’Esprit-Saint, notamment au cours de son procès à Rouen, Jeanne d’Arc nous invite à ne pas confondre deux types de certitudes : la certitude de la foi et la certitude de la raison. La foi relève d’une confiance qu’on donne et d’une certitude qu’on reçoit d’un autre, alors qu’en philosophie ou en science on acquiert une certitude à partir de soi-même. L’aventure de la foi commence par une parole. La foi n’est donc pas tant réponse à des questions, qu’une annonce dans laquelle on est invité à se lancer, à vivre.

                Le bonheur : Sainte Jeanne d’Arc a vécu un grand bonheur ici à Orléans lorsqu’elle a décrété de faire une procession d’action de grâce après la messe à la cathédrale jusqu’au fort des Tourelles le 8 mai 1429. Son bonheur a commencé tout simplement chez elle à Domrémy, dans sa famille et lorsqu’elle gardait ses moutons. Son bonheur a sûrement trouvé son exaltation à Reims lors du sacre de Charles VII, avec la conscience d’avoir accompli sa mission. Qui nous fera voir le bonheur questionne le psaume 4 ? Le bonheur est au maximum cherché au présent. Or Dieu sauve le bonheur en nous assurant le salut. Jésus, dont le nom signifie Dieu sauve, est le nom que Jeanne d’Arc proclame trois fois sur le bûcher de Rouen, comme ultime testament. Le bonheur se trouve bien entre mémoire et espérance, comme nous le manifestons aujourd’hui. Ainsi pour traverser l’existence avec bonheur, il faut, comme Jeanne, articuler la folle espérance de la fin des temps qui garde le chemin ouvert et la modeste espérance qui recherche patiemment les passages. Comme l’écrivait le poète Orléanais Charles Péguy, dont nous avons célébré le centenaire de la mort en septembre dernier, ce qui m’étonne dit Dieu, c’est l’espérance.  Je savais que la Sagesse serait ma conseillère pour bien agir, c’est à dire dans le bonheur, nous dit la première lecture tirée du livre de la Sagesse.

                Le risque et le bonheur sont donc constitutifs de la vie de Sainte Jeanne d’Arc, en particulier ici à Orléans durant toute la dizaine de jours de son séjour du 29 avril au 10 mai 1429 où elle quitte la ville pour rejoindre le dauphin à Tours. Imaginez qu’elle n’ait pas pris de risque, aurait-elle été heureuse ? Et son bonheur ne le doit-elle pas au fait d’avoir pris des risques ?

                Alors, revenons à notre secret : à nos léopards et à notre cheval qui se font face quotidiennement dans cette cathédrale. Si les léopards soutiennent Jeanne d’Arc en gloire, c’est bien parce qu’elle a pris des risques. Mais nous savons aujourd’hui que les risques ne viennent pas uniquement de l’affrontement avec nos frères de l’autre côté de la Manche, mais qu’il existe tant de foyers brûlants dans notre monde qui veulent détruire tout sur leur passage (les personnes, leurs biens, leur histoire, leur culture, leur foi).

    Le cheval a permis à Jeanne d’Arc d’avancer, de cavaler, d’aller de l’avant, en réponse à l’appel de Dieu, de marcher à la suite du Christ comme nous y invite l’Evangile. Nous recevons d’elle aujourd’hui une belle leçon de bonheur sur ce qui peut nous faire avancer dans la vie malgré tous les obstacles que nous connaissons.

    Vous le savez un secret ne se dit qu’à une personne à la fois ! L’homélie de ce jour ne trahit aucun secret, car cet affrontement entre les léopards et le cheval, nous avons chacun à le vivre dans le secret de nos vies, éclairés par l’exemple de Sainte Jeanne d’Arc. Tout ceci peut être livré au panier de la démarche missionnaire de votre diocèse. Si c’est une démarche, c’est qu’il y a une part de risque, mais si c’est missionnaire, ce n’est que du bonheur !

    Et si Monseigneur Blaquart a pris le risque d’inviter les Evêques originaires de son diocèse, c’est pour que nous puissions mieux savourer ce bonheur qu’en cette fête du 586° anniversaire de sa délivrance, entre Tradition et Modernité, Orléans est toujours fidèle !

    + Nicolas Souchu
    Evêque auxiliaire de Rennes

              - JEANNE 2015

     

    3 des 4 évêques issus d'Orléans

    (Mgr MAUPU, Mgr SOUCHU, Mgr EYCHENNE)

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