• Rencontre
     
    Usus

    RENCONTRE (nouvelle)



    Fin octobre le vent froid et humide orchestrait un triste ballet de papiers sales le long des rues grises. De trottoirs en ruelles, il traînait son ennui au milieu des fantômes des passants, des poubelles pleines, débordantes aux volumes laids et déprimants. Sur un mur lépreux, une affiche de cirque presque arrachée exhibait ses couleurs passées. Même sorti de l’usine, il avait toujours du mal à soustraire de son esprit les cadences abrutissantes. Verrouillage des brides, contrôle du serrage, envoi de la coupe, lubrification, démontage, la pièce dans le panier, recommencer encore... (Les mains sont automates. L’esprit est si loin de la machine). Il lui fallait quelques heures pour se déconnecter. Parfois il n’y arrivait pas. 

Il passa devant la façade du magasin, noircie par l’incendie, et l’image de Blanche, les chairs brûlées, hurlant de douleur, monopolisa de nouveau ses pensées. Arriverait-il à oublier un jour ? Le drame l’avait plongé au plus profond d’un désespoir morbide. Depuis, il pensait qu'une sécheresse du cœur, une immersion dans un autisme volontaire le protégerait de toute autre blessure future. Il n’avait pas vraiment soif mais l’habitude le fit pousser la porte du café. Assis devant son verre il méditait sur la réelle utilité de sa présence dans ce monde. Même sa gauloise ne lui procurait plus aucune satisfaction. 
Il ne la remarqua pas immédiatement. Pourtant c'était rare de voir une femme debout au comptoir. Elle n’était ni belle ni laide, juste effacée, se faisant discrète, vêtue d’un tailleur gris et sage. Elle aurait pu être une de ces secrétaires entre deux âges qui n’attendent rien de leur job. Pourquoi ne pouvait-il détourner son regard ? Peut-être à cause de cette nuance de bleu dans ses yeux, si proche de l’azur de ceux de Blanche. Et cet imperceptible pli aux commissures des lèvres qui lui donnait cet air résigné. Dans sa mémoire, le doute s’installait. Blanche avait ce détachement sur le visage, un mélange de charme et d’indifférence qui se muait en passion quand elle le couvait du regard comme une louve possessive. Il resta de longues minutes à contempler l’inconnue, immobile. Malgré lui, il ressentit, au fond de son esprit, cette étincelle d’émotion qu’il avait mis longtemps à étouffer. Mais la carapace était coriace. Il l’avait trop bien construite pour qu'elle cède sur une simple impression.
Elle buvait son thé à petites gorgées précieusement, lentement, les yeux fixes, si sereine. Elle tourna la tête dans sa direction. Leurs regards se croisèrent. Elle semblait indifférente. Sur son visage régulier, il eût aimé voir l’esquisse d’un sourire, un semblant de réaction. Puis elle se retourna vers la glace et les étagères à bouteilles. Il se leva et sortit, sans vider son verre. 
Le bruit de la rue le déprima. Il remonta le col de son blouson. L’image de l’inconnue restait en filigrane, sur ses rétines. 
Soudain, il sentit qu'une main lui saisissait doucement le bras.
— Venez.
Il la suivit. A la réception du petit hôtel voisin, le patron leur donna la clé avec juste un soupçon de reproche dans le regard puis retourna composer son tiercé. 
Ils entrèrent dans une chambre d’une banalité navrante, mais sans le remarquer Il s’assit sur le lit et attendit il ne savait trop quoi. Elle retira son tailleur et le rejoignit. Il sentait sa présence, un discret parfum, une enveloppe de tiédeur. Il éprouva le besoin de la toucher. Il posa sa tête sur les cuisses de la femme. Le contact de sa chair nue avait quelque chose de rassurant. Elle lui toucha les cheveux d'un geste machinal. Il ferma les yeux. Un bien-être surprenant l’envahit. Elle le caressa doucement et s’exprima à voix basse comme un murmure. Elle lui dit son enfance, lui parla de son père, elle évoqua la verte campagne, mais il ne l’entendait pas, submergé de sensations contradictoires. Quelque chose se réveilla en lui. Il eut du mal à se reconnaître. Une heure auparavant, il n’imaginait même pas l'existence de cette femme et à présent, il sentait monter en lui le désir. Qu’avait-elle de différent ? Il la regarda pour la première fois comme une partenaire désirable. Il consentit à cette brèche dans sa cuirasse. Il devina d'anciennes douleurs dans les rides de son visage et dans ses yeux si clairs. Sa main, légère sur sa chevelure, trahissait d’imperceptibles frémissements. Doucement, ils s’allongèrent sur le lit et s'accouplèrent. Une onde électrique le transperça. C'était comme une nouvelle naissance, un paradis d’émotions qu’il croyait oubliées. Elle se donna sans retenue, comblée par le plaisir, épanouie. 
Il avait retrouvé la paix, c'était comme un aboutissement. Il s’étira, les yeux fermés pour prolonger cette sensation. Elle se leva silencieusement, se revêtit, et le regarda une dernière fois avec douceur. Une photo glissa de son sac sur le lit.
Dans un demi-sommeil, il ne l’entendit pas sortir. Quand il se réveilla la chambre était vide. Il prit conscience de la laideur du papier peint, des faux tableaux. Il eut soudain peur de retrouver les poubelles pleines, débordantes et cette affiche de cirque en lambeaux. Il venait de vivre la plus belle heure de ses quatre dernières années. Des années de solitudes après la perte de Blanche. Il ramassa la photo et sortit. Les deux jours suivants, il se força à penser à sa vie, à son travail, à tout sauf à elle. Le troisième jour, il entra au café et montra le cliché au patron, celui-ci y prêta à peine attention.
— Connais pas.
— Attendez ! 
Le patron reprit la photo et la regarda attentivement.
— Ah oui, je me souviens. C'était une gentille fille. Elle venait de temps en temps. Je crois qu’elle est morte il y a quatre ans déjà.
    ShortEditions


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  • Emmanuel Macron: "Je n'ai jamais pris un retraité pour un portefeuille"


    Par Laurence Le Dren, Stéphanie Letellier, Isabelle Duranton le 12 avril 2018

    TV : MACRON/PERNAUD

    MACRON et PERNAUT

     

    Hausse de la CSG, taxe d'habitation, crise dans les Ehpad, grèves des cheminots, ruralité... Invité du 13H de TF1, jeudi 12 avril, le président de la République a répondu aux Français.
    Installé dans la classe de CP d'une école de campagne, le président de la République a répondu aux questions du journaliste Jean-Pierre Pernaut jeudi à 13h. L'interview se tenait dans un petit village normand, Berd'huis dans l'Orne.
    
• Politique des campagnes: "On n’abandonne pas la ruralité"
    Interrogé sur la fracture territoriale, le président a rétorqué qu’ "il n’y a pas une fracture entre France des villes et France des champs". Ce natif d’Amiens a rappelé que notre pays est avant tout un agrégat de territoires divers: "la France des métropoles où, en effet, on vit bien. Juste à côté d’elle, il y a une France des quartiers qui vit très difficilement, qui s’est un peu "ghettoïsée" parce que c’est notre politique de logement qui l’a faite. Il y a ensuite une France des villes périphériques qui, elle, est inquiète et qui vit mal". Lorsqu’il évoque le monde rural, il souligne que s'"il y a une France rurale qui perd des habitants", il existe aussi "une France rurale qui gagne des habitants et qui va bien." Et de conclure: "On n'abandonne pas du tout la ruralité, ce n’est pas vrai." "les dotations des communes rurales ne baissent pas d’un centime, si ça, ce n’est pas une manière de s’engager pour le rural!"
    • Les retraités: "Je leur dis merci"
     "J’ai demandé un effort à une partie des retraités. Je le sais. Je les en remercie" a déclaré le président aux Français touchés par la hausse de 1,7 point de CSG.  Au passage il a rappelé que cet effort avait été "annoncé pendant sa campagne".  "Nous n’avons pas augmenté la CSG des personnes les plus modestes" s’est-il défendu, avant de lancer: "je n’ai jamais pris un retraité pour un portefeuille".  Selon lui, la suppression de 20 milliards d’euros de charges sur le travail  afin de favoriser l'emploi justifie cette hausse de CSG. Emmanuel Macron a dit avoir "besoin des retraités" pour participer au redressement du pays. À ceux qui se voient contraints se serrer la ceinture, il répond: "Attendez le 1er novembre, vous aurez un tiers de taxe d’habitation en moins.  Et elle sera supprimée entièrement dans les trois ans. L’un dans l’autre, sur le pouvoir d’achat, vous allez vous y retrouver." a-t-il promis.
    • Demi-part de veuves: "C'est non"
    Le rétablissement total de la "demi-part des veuves" demandé depuis des années par de nombreuses personnes âgées, notamment des femmes ayant de petites retraites,  est-il possible? "C’est non!" a tranché le Président. Pour lui, le soutien aux plus modestes passe par la hausse du minimum vieillesse (Allocation de solidarité aux personnes âgées). L'Aspa a augmentée de 30 euros le au 1er avril pour atteindre 833€ mensuels pour une personne seule et doit progresser jusqu'à 903€ en 2020. Lire: La perte de la demi-part des veuves alourdit l'impôt des retraités


    • Taxe d'habitation: "tout le monde sera exonéré à la fin du quinquennat" 


    Si l'on supprime la taxe d'habitation alors que les petites villes ont plus de charges comment fera-t-on? "La taxe d'habitation est l'impôt le plus injuste qui soit" a résumé Emmanuel Macron. "Ce que nos concitoyens ne paieront pas, sera compensé par l'État à l'euro près. C'est faux de dire qu’une commune perdra de l’argent " a-t-il martelé avant d'annoncer que "tout le monde sera exonéré à la fin du quinquennat". Lire: Retraités/Actifs:votre pouvoir d'achat va-t-il progresser?


    • Hôpitaux et Ehpad: "On va essayer de mieux organiser les choses"
    Personnel hospitalier épuisé, urgences saturées, soignants des Ehpad en crise… Emmanuel Macron n’a pas manqué de rendre un hommage appuyé aux personnels soignants. Il a souligné la qualité de leur travail, leur investissement alors qu'ils "subissent le stress et vivent la mort au quotidien dans les Ehpad et les hôpitaux". Le chef de l’État a rappelé qu'ils "sont parfois la dernière famille en Ehpad. Nous leur devons tous quelque chose dans la société".
    Si aucune annonce concrète n’a été faite, Emmanuel Macron a confirmé que des moyens supplémentaires seraient dédiés à l’hôpital dont le système sera repensé, comme l’avait annoncé la ministre de la Santé Agnès Buzyn lors de la présentation de son plan en faveur de l’accès aux soins présenté fin 2017: paiement à l'acte, parcours de soins, maisons de santé... "On va mettre plus de moyens dans l'hôpital. Mais cela ne sert à rien de mettre des moyens dans un système qui n'est pas adapté. Il faut réorganiser le système de soins pour que l'investissement soit utile."
    Le président de la République est aussi revenu sur la crise que traversent les Ehpad. Le dossier est sur la table, la dépendance s’annonce comme un vrai sujet auquel il faudra apporter une grande attention: "On va ouvrir ce chantier. C’est une transformation profonde. Ce n’est pas juste un claquement de doigts, c'est pas juste mettre de l'argent (...) On va changer les choses."

    • Limitation à 80 km/h: "Si ça ne marche pas, on ne continuera pas"
    La vitesse maximale autorisée sur les routes nationales à double sens et sans séparation centrale de voies (muret ou rail), va passer de 90 à 80 km/h sur près de 400 000 axes concernés, dès le 1er juillet 2018.
    " Cela ennuie toujours les Français qu'on régule la route. Il y a des petites expérimentations qui ont été faites et à chaque fois elles ont montré que c’était efficace. On va faire une expérimentation à taille réelle. À partir du 1er juillet, on va le faire pendant deux ans, sur tout le territoire, pour essayer de faire baisser drastiquement le chiffre de la mortalité routière qui a augmenté ces dernières années. C’est une décision un peu impopulaire, j’en prends la responsabilité.
Tout l’argent prélevé sur ses routes, on le mettra pour les hôpitaux qui soignent les blessées de la route. On rendra transparent les résultats, si ça ne marche pas, on ne continuera pas."

     
    • Réorganisation de la SNCF:"J’irai jusqu’au bout"
    Alors que commence le cinquième jour de grève nationale dans le transport ferroviaire, Emmanuel Macron s’est dit conscient des difficultés rencontrées quotidiennement par les citoyens et les entreprises. Mais il s’est montré inflexible sur la réforme envisagée: "Sur la SNCF, l’objectif n’est pas l’opinion. Il est d’aller au bout de cette réforme indispensable pour que le chemin de fer français soit fort face à la concurrence. Pour cela, chacun doit faire un effort". Il s’engage à ce que la future SNCF qui sortira de la réforme soit "une entreprise publique à capitaux publics, je le garantis. Ce sera dans la loi: 100% de capitaux d’Etat". 
À lire aussi: 

    La Croix


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